« Prendre Conscience » par Rav Moché Mergui-Roch Hayéchiva
Après la fête de CHAVOUOT, c’est-à-dire la fête de la Révélation divine sur le Mont SINAÏ, la Parachat NASSO nous propose l’étude de deux sujets diamétralement opposés. Il s’agit de la SOTA, l’épouse soupçonnée d’adultère, et du NAZIR qui s’élève au plus haut niveau de sainteté, à l’instar du COHEN GADOL.
La TORAH dit (BAMIDBAR 6-2) : « Parle aux Béné Israël et dis-leur : lorsqu’un homme ou une femme formulera explicitement le NEDER, le vœu d’être Nazir, voulant s’abstenir en l’honneur d’HACHEM ». Avec ces deux sujets que sont la SOTA et le NAZIR, la TORAH nous met en garde sur l’attraction du
Yétser Hara, cette force qui cherche, par tous les moyens, de nous détourner de HAKADOSH BAROUKH HOU.
En effet, 40 jours après avoir entendu « JE SUIS L’ET. TON D. », et « Tu n’auras pas d’autres dieux que MOI », le Yétsèr Ara réussit à induire en erreur les Béné Israël en les entraînant à commettre la faute du veau d’or, l’idolâtrie au pied du mont SINAÏ.
Le Yetser Hara s’immisce dans notre cœur, nos yeux, nos paroles dans le but de nous détourner de la KEDOUCHA.
Le NAZIR nous enseigne qu’il faut réagir par un vœu [un NEDER] pour ne pas tomber dans le piège de la tentation, telle la SOTA, la femme qui s’est laissé entraîner par le Yétser Hara.
Nos Sages nous recommandent d’être vigilants, de contrôler et de vérifier l’utilisation de nos cinq sens : la vue, la parole, l’écoute, le toucher, l’odorat.
Le seul bouclier consiste à prendre conscience du danger spirituel qui nous menace à tout instant et
à tout endroit. Cette prise de conscience n’est possible que par l’éclairage de l’Etude de la SAINTE
TORAH.
Parachat Nasso
Birkat Cohanim
Au chapitre 6 D’IEU dit à Moché d’inviter les Cohanim à bénir le peuple, ce qu’on appelle la ‘’birkat cohanim’’. Ceci constitue un commandement actif de la Tora qui incombe aux cohanim de bénir le peuple tous les jours ! Voir H’inou’h mitsva 378. Quel est le sens de ce commandement ? Le H’inou’h explique : « Par sa grande bonté D’IEU a le désir de bénir son peuple par l’intermédiaire de ses serviteurs qui se trouvent en permanence dans le Sanctuaire là où leurs pensées sont collées au Service Divin là où leurs âmes sont liées à la Crainte Divine, par leur mérite (des Cohanim) la bénédiction s’imposera sur eux et toutes leurs œuvres seront bénies de l’agréable divin… ». La bénédiction divine passe par le biais d’hommes consacrés au Service Divin ! Le H’arédim et le Raavad sont d’avis que ce commandement n’est pas réservé aux Cohanim, les bénisseurs, mais chaque juif a la mitsva d’être béni par les Cohanim. Il est incroyable que nous ayons un ordre divin de bénir et d’être béni, cela veut dire que la bénédiction divine n’est pas une option mais un devoir !
Le Noam Mégadim (Alim Litroufa page 91) fait remarquer que la bénédiction des Cohanim est récitée au singulier « que D’IEU Te bénisse, Te garde, etc.». On aurait pu supposer que cette bénédiction soit récitée au pluriel ‘’que D’IEU vous bénisse, vous garde etc.’’ puisqu’elle s’adresse à tout le monde ? Le singulier, dans la Tora, fait référence au peuple unique et uni ! Par conséquent la bénédiction des Cohanim n’a d’effet seulement si le peuple est uni, c’est d’ailleurs par le mot Chalom que se clôture la bénédiction des Cohanim, pour rappeler au peuple que tous les souhaits contenus dans cette bénédiction dépendent du Chalom ! Investissons grandement dans le Chalom afin d’obtenir toutes les bénédictions divines !
La jeune mariée : Israël
Au chapitre 7 la Paracha dit « et ce fut lorsque Moché termina de dresser le sanctuaire…, les princes des tribus approchèrent des sacrifices d’inauguration ». La Tora a choisi le terme ‘’kalot’’ pour exprimer cette fin de travail réalisé par Moché. Rachi fait remarquer que le mot ‘’kalot’’ nous renvoie à ‘’kala’’ – la jeune mariée, car à ce moment-là les Enfants d’Israël étaient telle une jeune mariée qui se rend à la h’oupa (dais nuptial) !
Le Minh’at Yiths’ak (voir Kémotsé Chala Rav page 104) explique à travers cela la coutume rapporté dans le Rama Even Haezer 55 qui dit que le voile de l’a h’oupa doit être dressé sur des poteaux, ceci pour assimiler la h’oupa au sanctuaire dont les tentures étaient posées sur des poteaux.
L’enjeu est d’attirer la Présence Divine sur nos foyers de façon semblable à la Présence divine sur le sanctuaire.
Rav Chah’ ztsal (voir Kémotsé Chalal Rav page 103) s’interroge du verbe ‘’kalot’’ choisi ici par la Tora, effectivement ce verbe se traduit par : clôture et fin. Comment le verbe de la clôture est employé pour nommer la jeune mariée ? Nous devons comprendre, dit-il, pour ce qui est de la Tora le concept fin n’existe pas, Israël n’a jamais rien fini, il est en permanent devenir. Finir le sanctuaire n’est qu’une étape pour continuer d’avancer, telle la jeune mariée qui ouvre une nouvelle page de sa vie de son histoire. Lorsque Moché termine le Sanctuaire il rappelle aux Enfants d’Israël que l’histoire ne fait que commencer. La force d’Israël et sa fraîcheur c’est cette aventure qui ne s’achève jamais. Ceci explique nombre d’évènements de notre vie et de notre histoire, pour n’en citer qu’un : à Simha’t Tora lorsque nous clôturons la lecture du Livre de la Tora on recommence sans interruption la relecture de Béréchit ! Israël est en permanence telle une jeune mariée qui se rend sous la h’oupa. C’est ainsi que certains Maîtres expliquent la montagne que D’IEU a mis sur notre tête au moment du don de la Tora, la montagne était tel le dais nuptial. Le juif se marie tous les jours avec D’IEU et la Tora. Son histoire est une aventure à l’infini.
La plus grande amulette
La Tora a juxtaposé la bénédiction récitée par les Cohanim au sujet de l’inauguration du Sanctuaire, pourquoi? Le Gaon Rav Ben Tsion Moutsapi chalita (Dorech Tsion) développe l’idée suivante en s’appuyant sur le Midrach : la bénédiction divine ne se trouve seulement chez celui qui est proche des lieux divins authentiques telle la synagogue et le bet hamidrach. Il est inutile de chercher des ‘’ségoulot’’ farfelues pour recevoir toute la bénédiction divine. Attention, poursuit-il, à ceux qui écrivent des amulettes comprenant des noms d’ange, ceci n’attire que des soucis et catastrophes, comme l’ont noté Rabi Yéhouda Hah’assid et le Ari zal la gravité d’utiliser de tels méthodes. La plus grande amulette et la plus efficace est la fréquentation des lieux saints ! La Tora contient toutes les bénédictions, tous les souhaits, tous les bonheurs. Dans les lieux saints on trouve le Créateur du monde, on étudie sa Tora, on lui parle à travers la prière, on reçoit ses bénédictions à travers la tsédaka. D’IEU ne se trouve que dans les lieux saints.
La singulatiré de l’être
Au chapitre 7 la paracha décrit les sacrifices que les princes d’Israel ont apporté au Sanctuaire le jour de l’inauguration du Tabernacle. Lorsqu’on lit ce long passage on peut être surpris de la redondance du texte;
effectivement les princes ont apporté le même sacrifice, dès lors pourquoi répéter ce sacrifice douze fois, la Tora aurait pu se suffire de dire les noms des douze princes et noter qu’une seule fois le sacrifice ?
Le Ramban écrit quelque chose de formidable : chaque prince a apporté ce sacrifice avec une pensée différente ! C’est-à-dire que la particularité de chacun ne se trouve pas dans l’action mais dans le sens qu’il imprime à l’action. C’est la raison pour laquelle, écrit Rav Simh’a Zissel Broydé (Chaï Latora page 121), deux personnes peuvent effectuer le même acte mais leur singularité se trouve dans ce qu’il pense au moment de la réalisation de l’acte. Mais interrogeons-nous, finalement c’est l’action qui a été répétée ? Le Rav poursuit : si la pensée est différente cela veut dire que même l’action n’est pas semblable. Si effectivement dans le visuel nous voyons douze fois le même sacrifice en vérité puisqu’ils imprimèrent une pensée et un élan différents par conséquent l’acte n’est pas le même. Il n’y a pas eu douze fois le même sacrifice mais douze sacrifices différents. C’est bien là la force de la Tora, faire plusieurs fois la même chose sans que les choses ne soient identiques, et cela en fonction de la pensée qu’on y met ! Pour ne citer qu’un exemple : nous prions trois fois par jour la même prière, la âmida est toujours pareille, ce qui va changer c’est l’élan de la prière et par conséquent la prière elle-même sera
différente. De l’extérieur les chose ses ressemblent mais de l’intérieur elles sont différentes ce qui fait qu’au final elles ne sont pas semblables. On comprend de ce discours que le juif ne vit pas dans l’extériorité des choses mais dans leur contenu intime et intérieur. Si on a l’impression que les choses se répètent c’est qu’en vérité on ne les a pas pénétrés, plus précisément on ne s’est pas surpasser d’aller au-delà du visuel et sensuel. On doit apprendre à développer le côté secret de tout ce que nous faisons, et comprendre que la vie existe encore plus dans ce qui ne se voit pas. Les commandements de la Tora sont une vitrine il nous incombe d’entrer dans la boutique pour trouver chaussure à son pied. J’ai constaté d’ailleurs que le même vêtement prend une autre saveur différente entre deux personnes qui le portent, chacun le portera différemment ce qui peut parfois donner l’impression que le vêtement est différent.
On est tous pareil vu de l’extérieur mais en vérité on doit développer notre singularité qui est le défi de notre vie.
Rav Ouri Zohar zih’rono livrah’a
A la veille de Chavouot le Rav Ouri Zohar ztsal nous quittait. Il a eu une histoire particulière. Il était l’étoile filante du cinéma israélien dans les années 70. Loin et éloigné de la foi, de la Tora et du divin. Quelques années plus tard il fait une téchouva remarquable et devient en plus du symbole de la téchouva, l’homme qui se souciait de faire revenir les gens au banc de l’étude de la Tora. Il consacra sa vie à l’étude de la Tora de façon assidue mais ne garda pas sa téchouva pour lui. Il sera à la tête du mouvement Lev Léah’im se voulant être un système de téchouva de grande envergure auprès de nos frères et sœurs égarés. Il garda sa popularité mais l’orienta vers le divin.
C’est une leçon à multiples facettes. Faire téchouva lorsqu’on revient du monde du cinéma n’est pas quelque chose de fréquent et d’évident. Bien souvent les gens qui font téchouva se renferment sur eux-mêmes, mais là le Rav zal a continué de s’ouvrir vers le monde mais pour une autre cause, plus noble, plus authentique, plus existentielle.
Il nous a appris, notamment, que faire téchouva c’est rester le même mais en meilleur. Prendre ses atouts, ses énergies et les orienter vers une destinée plus digne du juif appartenant au peuple de D’IEU. La téchouva c’est sublimer ses caractéristiques. Reste le même mais dans la Tora. C’est énorme et fabuleux. D’IEU t’a offert une vie avec toute la singularité de ta personne, l’enjeu est de les diriger vers une destinée correcte.
Le monde du cinéma est un univers qui fait rêver l’être humain et le distrait de l’essence de son existence. Les paillettes des acteurs font briller les yeux de plus d’un. Tout le monde aime le cinéma, c’est bien une chose qui touche tout le monde, d’une façon ou d’une autre. Il a su, le Rav zal, écrire ce rêve vers les hauteurs de la vie. Rêver la Tora ! Faire de la Tora son ‘’cinéma’’ son rêve. Je n’ai pas connu le Rav Ouri Zohar, mais on le voyait et l’entendait dans toutes les occasions et les grands moments, il était l’invité phare de grandes soirées de téchouva. Avec son verbe il sensibilisait les laïcs comme les pratiquants. Il ne s’est pas enfermé dans une grotte pour quitter le monde éphémère du cinéma, il est resté dehors, proche du monde, pour leur faire goûter la vraie vie que chaque juif se doit de connaître dans sa vie. Dans les années 80 il se rendit auprès de Baba salé ztsal pour lui demander une bénédiction, mais Baba Salé ztsal renversa les donnes et lui dit : c’est toi qui dois me bénir, ton mérite lié au travail de téchouva que tu fais dans le peuple est inégalable, bénis-moi ! On a eu la chance de vivre une génération qui a connu un tel homme. Le cinéma est pour plus d’un synonyme de réussite dans ce monde, l’argent, la gloire, la popularité etc. marquent l’aspiration de beaucoup d’hommes sur cette planète. Peut-être que pas tout le monde veut être acteur ou actrice de cinéma, néanmoins leur réussite attire tout le monde. C’est, en mon sens, un de ses messages forts : en vérité on est tous des acteurs/actrices dans notre vie. Chacun joue un jeu, conscient ou
nconscient, dans sa vie. Chaque être humain dans sa vie professionnelle, sentimentale, familiale etc. cherche une certaine gloire et s’efforce de réaliser un rêve afin de devenir une étoile. Le peuple d’Israël est particulièrement comparé aux étoiles (Béréchit 15-5), le Rav zal nous rappelle qu’on peut faire briller cette étoile en toute circonstance soit-elle. Non pas une étoile gravée au sol des marches cannoises, mais qui va vers les hauteurs célestes. Il a élevé cette étoile terrestre vers un scintillement plus authentique et surtout éternel. Il a surpassé la réussite du cinéma pour se diriger vers une réussite existentielle et a partagé son expérience. Il nous invite à sortir du plus bas monde pour rejoindre les hauteurs auxquels le Créateur nous invite.
Le monde de la téchouva n’aurait jamais cru compter dans ses rangs Rav Ouri Zohar, encore moins le voir à la tête des plus grands mouvements de la téchouva de notre ère. C’est sa force, son mérite et son message. C’est bien à où il a joué pleinement son rôle. Chacun est une étoile, et dans le ciel il y a de la place pour toutes les étoiles, personne n’est exclu, il y a de la place pour chacun, et personne ne prend la place de personne. Au sommet de la gloire il quitte le monde le plus matériel et improbable pour marquer l’histoire d’une étoile montante et filante emportant avec lui toutes les étoiles éteintes pour raviver leur lumière ! Il est décédé avant Chavouot pour nous apprendre comment on reçoit dignement et correctement la Tora. Que son mérite continue de rejaillir sur tout Israël.
Rav Imanouël Mergui