Tel est son Cœur telle est sa Parole – par Rav Moché Mergui, Roch Hayéchiv
La TORAH dit (Parachat Toledot 25-27) : « Les garçons grandirent et ESSAV devint un homme connaissant la chasse, un homme des champs, et YAACOV était un homme intègre [ICH TAM] demeurant dans les tentes. » ITSH’AK aimait ESSA V , car le gibier était dans sa bouche et RIVKA aimait YAACOV. ».
La HAGGADAH de PESSAH’ nous présente les quatre enfants de la TORAH : le sage ; le racha (le méchant) ; le tam(le naïf) et enfin celui qui ne sait pas poser de question. Il ne faut pas confondre le TAM de la HAGGADAH et le ICH TAM qu’est YAACOV. En effet, dans la TORAH, YAACOV AVINOU est qualifié de ICH TAM YOCHEV OALIM, ce qui signifie l’homme parfait qui réside dans les tentes pour étudier ; le mot ICH désigne donc ici un homme de valeur comme il est dit dans Rois1 (2 -2) : « Le Roi DAVID recommande à son fils CHELOMO : ‘Et tu seras un homme vaillant’[ICH]». Telle est la signification contenue dans la Torah !
ICH TAM : Rachi explique : tel est son cœur, ainsi est sa parole. Celui qui n’est pas habile à tromper est appelé TAM (intègre) .
YOCHEV OALIM signifie qu’il réside dans les tentes. Ce sont les YESHIVOT de CHEM fils de NOAH’, et EVER petit fils de CHEM. L’étude de la Torah transforme le naïf, le Tam, en un ICH TAM parfait. Son comportement est irréprochable, son intériorité est en harmonie avec son extériorité.
Tel est son cœur, ainsi est sa parole. YAACOV AVINOU est clair et droit. Il demande à son frère Essav : « Vends-
moi ton droit d’aînesse. » Cela signifie clairement : En échange d’un plat de lentilles, je m’approprie de tes mains ta bénédiction, ainsi que Léa la femme qui t’était destinée et ta place dans le caveau de Makhpéla. »
ESSAV mangea et bu et dédaigna son droit d’aînesse (BERECHIT 25-33).
YAACOV AVINOU, ICH TAM de manière permanente et totale, surprend son entourage par sa conduite irréprochable. ITSH’AK AVINOU, le premier, reconnaît son fils YAACOV en disant : « La voix c’est la voix de YAACOV, c’est-à-dire son intériorité est parfaite, il n’a pas changé, mais les mains sont les mains de ESSA V , celles que YAACOV a achetées, conformément à la vente. »
Même ESSAV se garde de crier (au voleur !) et reconnaît que son frère YAACOV l’avait volontairement « retenu » par deux fois, en lui prenant le talon à la naissance, puis en lui achetant le droit d’aînesse et la Bénédiction en disant : « V ayakivéni ! » ESSA V est contraint d’avouer qu’il s’est totalement trompé sur le ICH TAM qu’est YAACOV A VINOU.
Il découvre que la grande force de Y AACOV A VINOU réside dans sa droiture irréprochable, la perfection de ses actes et sa grand sagesse acquise par l’étude de la TORAH à la YESHIVA de CHEM et EVER.
Tel est son cœur, ainsi est sa parole, ainsi est le comportement du ICH TAM YOCHEV OALIM. La vertu de YAACOV réside dans le EMET acquis par l’Etude de la TORAH, d’où la formulation que nous employons: « EMET TORA TENOU AKEDOUCHA. »
L’œil (2) – par Rav Imanouël Mergui
Dans la Tora Ecrite l’œil revient souvent et occupe une place majeure. On pourrait dire que l’homme se définit par l’usage qu’il fait de ses yeux. Je veux dire qu’on détermine la qualité de l’homme en fonction de ce qu’il regarde. La vue n’est pas que le produit de nos yeux. Il est faux de dire qu’on subit la vue et qu’on voit ce qu’il se présente à nous à notre insu. L’homme peut et doit choisir ce qu’il regarde. Ce que tu vois est le fruit de ce que tu as favorisé de voir. Approfondissons encore dans ce sujet passionnant et majeur de la vie de l’homme.
La Tora dans le Livre de Bémidbar 15-39 nous donne le commandement suivant « vous ne détournerez pas vos yeux et votre cœur dont vous vous déviez par eux ». Selon Rachi il faut comprendre ainsi ce verset : n’explorez pas le monde avec votre cœur et vos yeux ! De quelle exploration s’agit-il ? Rachi poursuit : le cœur et les yeux sont les explorateurs du cœur et lui présentent la faute, l’œil voit, le cœur désire et le corps commet la faute ! La Tora nous met en garde des dangers liés au cœur et aux yeux, c’est eux qui guident le corps et vers la faute. Ceci est incroyable, on pense souvent que le cœur et les yeux nous protègent du danger, et il y a ici une part de vérité, mais ce n’est pas un principe absolu. Si le cœur et les yeux nous protègent de certains dangers ils sont aussi à l’origine du danger de la transgression. Si
on transgresse la loi (divine ou humaine) par le corps il n’en reste pas moins que l’origine de la faute c’est le cœur et les yeux. Lorsqu’on est dans la transgression c’est que notre cœur et nos yeux sont allés explorer des voies incorrectes. Le Targoum Onkelos introduit une autre notion, il traduit ainsi notre verset : ne suivez pas l’erreur de la pensée de votre cœur, et celle causée par vos yeux ! Incroyable, là aussi le cœur et les yeux conduisent l’homme à agir incorrectement ! Ce que nous pensons et ce que nous voyons peut nous entraîner vers des fourberies. Ce n’est pas systématique que notre cœur et nos yeux soient dans le vrai ! Pourtant je le pense, je le vois ?! Allons encore plus loin. Le Or Hah’aïm développe une idée essentielle : l’œil désire ce qui se voit, mais l’ordre divin est d’aller à l’encontre du naturel ! C’est-à- dire, la nature de l’œil est de voir et là D’IEU nous ordonne d’aller contre nature, de surpasser la nature. C’est comme si l’ordre divin disait : ne désire pas ce que tu vois. D’IEU nous laisse voir le monde, cette vue va inciter le désir, l’exercice consiste à ne pas désirer ce qu’on voit. Certes il aurait plus facile de ne pas voir cependant on ne peut pas vivre sans voir. De toute évidence il faut faire attention à ce que l’on voit, mais si on l’a vu il faut stopper le désir. Maîtriser son désir. Comment opérer cet exercice ? Il est quasiment impossible de ne pas désirer ce
que l’on voit, s’exclame le Or Hah’aïm. A cela vient le commandement de porter le Tsitsit. Ce vêtement composé de fils attachés a pour fonction de nous rappeler que nous devons servir D’IEU, ce vêtement signe de notre devoir envers D’IEU nous aide à détourner nos yeux et notre cœur vers ce que nous devons désirer véritablement. Sans rentrer ici dans toute cette belle mitsva que représente celle du Tsitsit, selon le Or Hah’aïm l’exercice consiste à mener nos yeux et notre cœur vers ce que nous devons aspirer. Ce ne sont pas les yeux et le cœur qui doivent dicter ce que nous devons désirer mais c’est notre désir absolu (celui de servir D’IEU) qui doit guider nos yeux et notre cœur. En d’autres termes celui qui regarde tout et se laisse envoûter par sa vue c’est qu’il n’a pas d’aspiration autre que celle de consommer ce monde. Celui qui a un projet clair et défini ne peut se permettre de détourner son regard vers d’autres horizons. Notre Grand Maître Rabénou Ovadya Yossef ztsal disait : un juif doit servir D’IEU tel un cardiologue qui opère son patient du cœur, si ne serait-ce qu’un instant il détourne son cœur, ses pensées ou son regard de ce qu’il est en train de faire c’est la catastrophe assurée ! Si tu sais où tu vas dans ta vie tu ne peux orienter tes yeux seulement vers cet objectif déterminé, tu ne prendrais pas le risque de placer ton cœur et tes yeux ailleurs !
Parachat Toldot
Le pouvoir de bénir
La Paracha nous raconte que Yitsh’ak veut bénir son fils Esav. Rivka déguise Yaâkov et celui-ci recevra les bénédictions à la place de Esav. Yitsh’ak bénira Yaâkov à son insu. La suite de la Paracha nous raconte le souci de Yitsh’ak et de Esav de voir que Yaâkov a pris les bénédictions. La question s’impose : si Yitsh’ak voulait bénir Esav et non Yaâkov, lorsque ce dernier prend les bénédictions celles-ci ne devraient pas marcher puisque Yitsh’ak voulait bénir Esav et c’est à Esav qu’il pensait ? Rabi H’aïm Kanievsky (Torat H’aïm) répond : le principe de bérah’a- bénédiction fonctionne au-delà de la pensée, donc même s’il pensait à Esav puisqu’au final il a béni Yaâkov c’est à lui que s’impose la bérah’a ! C’est incroyable de constater la puissance et le pouvoir de bénir, celui-ci dépasse ce qui se passe dans la tête de celui qui bénit ! On ne se bénit pas assez les uns les autres…
La mauvaise influence
La Tora nous présente « Esav le chasseur, et Yaâkov l’homme des tentes » (25-27). De quelles tentes s’agit-il ? Rachi explique : Yaâkov alla étudier dans la Yéchiva de Chem et dans la Yéchiva de Ever. On peut s’interroger : pourquoi Yaâkov n’a-t-il pas appris la Tora chez son père Yitsh’ak ? Le Chaar Bat
Rabim (Alim Litroufa page 388) propose une réflexion majeure : Esav était proche de Yitsh’ak, mais Esav est un homme malhonnête en cela qu’il faisait croire à Yitsh’ak qu’il faisait la Tora, ces gens maquillés sont pires que les impies (voir Sota 22B), Yaâkov craignait donc de se laisser influencer par la voie de Esav, il a donc préféré aller étudier la Tora ailleurs ! Yaâkov fait l’économie de la Tora de son père afin de ne pas subir l’influence malencontreuse de son frère qui fait croire qu’il fait la Tora.
A ce propos le Gaon Rav Yitsh’ak Zilberstein (Alénou Léchabéah’ page 333) rapporte au nom du Sefer H’assidim : au début de la Paracha la Tora nous raconte que les deux enfants, Yaâkov et Esav, que portait Rivka dans son ventre se disputait déjà dans sa matrice, pourquoi ? Afin que Yaâkov s’éloigne de son frère impie Esav. Cela veut dire que même enceinte une femme doit faire attention qui elle fréquente afin de protéger son enfant des mauvaises influences ! L’éducation des enfants commence très tôt et la fréquentation est une des questions majeures dans ce domaine.
Prier et encore prier
La Paracha nous raconte que Yitsh’ak et Rivka ont prié pour avoir un enfant. Rachi explique (25-21) qu’ils insistèrent grandement auprès de D’IEU
pour qu’IL les gratifie d’un enfant. Rav Gamliel Rabinovitch (Tiv Hakéhila) dit que nous voyons d’ici qu’il ne suffit pas de prier mais qu’il faut prier avec grande insistance. Ceci est dit alors que Yitsh’ak sait que Rivka son épouse et lui-même étaient stérile ! Il n’y a pas de limite à la prière. Il n’y a pas de fatalité dans la vie, quelque soit l’état dans lequel l’homme se trouve il se doit de prier et ne jamais baisser les bras ! Même là où les médecins ne trouvent pas de solution l’homme doit prier et prier pour implorer l’aide et le secours divin. La prière déjoue toutes les lois de la nature. Comme dit le Targoum Yonathan : avec la prière on peut faire changer d’avis même D’IEU !!!
Une bonne prière
Lorsque Yaâkov se présente devant Yitsh’ak pour recevoir sa bénédiction la Tora nous dit que Yitsh’ak ne semble pas savoir qui est en face de lui, il s’exprime ainsi « la voix est celle de Yaâkov mais les mains sont celles de Esav » (27-22). Rav Yaâkov Ben Sarouk (Métikout Hatora page 314) raconte : lorsque dans une ville la communauté était la cible de pogroms, tous se réunirent pour jeûner et prier. Mais voilà que leurs prières n’ont pas été exaucées ! Ils se tournèrent vers un grand Rav. Celui-ci leur demanda s’ils avaient donné de la tsédaka. Ils répondirent par la
négative, alors le Rav leur dit : votre voix est celle de Yaâkov mais vos mains sont celles de Esav ! Pour recevoir la bérah’a il faut renier tout ce qui est synonyme de Esav. Le Choulh’an Arouh’ stipule que le matin avant de prier il faut donner la tsédaka. Prière et tsédaka forment un tandem extrêmement puissant.
C’est à cause de…
La Tora nous raconte que Rivka était enceinte de deux jumeaux. Ils grandiront et deviendront deux peuples. On peut se demander pourquoi ces deux personnages sont-ils jumeaux et viennent au monde ensemble ? Rav Wallah’ (Maâyan Hachavoua page 347) cite le commentaire du Ritva : les hommes doivent comprendre que si Yaâkov est devenu Tsadik ce n’est dû à rien d’autre qu’à son choix et sa volonté, ceux qui croient qu’on devient bon parce qu’on a une bonne étoile ou parce qu’on a reçu une bonne éducation se trompent, effectivement Yaâkov et Esav viennent du même ventre des mêmes parents etc. l’un devient Tsadik et l’autre mauvais, ce n’est que le choix de l’homme qui le mène là où il arrive ! L’homme ne peut en aucun cas prétextait son échec, il en est lui-même l’unique responsable, ce qui est vrai pour sa réussite également. Le ‘’c’est à cause de’’ ne tient pas la route. L’histoire de nos Pères nous prouve qu’en toute circonstance l’homme peut s’en sortir et devenir meilleur. Avraham est issu d’une maison dont les mauvais choix étaient l’ordre du jour quotidien. Yitsh’ak a grandi avec Yichmaël mais ne s’est pas laissé embringuer dans ses choix. Yaakov et Esav tous deux issus de la même matrice l’un devient un pur Tsadik et l’autre symbolise le mal dans toute son excellence. Ce qui t’arrive dans la vie et ce que tu deviens n’est à cause de personne d’autre que toi-même. Le Rambam va encore plus loin lorsqu’il affirme dans ses Hilh’ot Déot que même D’IEU ne décrète pas la piété ou
l’impiété de l’être ceci est soumis uniquement à son libre arbitre, donc même D’IEU n’est pas responsable de ce qui t’arrive… C’est immense ! Hilel disait ‘’im ene ani li mi li’’ – si je ne m’occupe pas de moi-même, qui s’occupera de moi…
Ni tes parents, ni tes enfants, ni ton conjoint, ni personne au monde n’est responsable de ce qui t’arrive. L’homme doit se prendre en mains c’est tout.
Prénom
La Tora nous dit « et ils l’appelèrent Esav » alors que pour Yaâkov il est dit « et il l’appela Yaâkov ». Pourquoi cette différence de conjugaison ? Rachi commente (25-25) : Esav fut nommé par tout le monde, alors que Yaâkov c’est D’IEU qui le nomma ainsi. Le prénom que nous portons est un phénomène de société… l’homme doit choisir s’il vit avec le prénom qu’on lui impose ou celui qui s’inscrit dans le programme de D’IEU…