« ELLE N’EST PAS DANS LE CIEL, NI AU-DELA DES MERS…. » par Rav Moché Mergui, Roch Hayéchiva
« ATEM NITSAVIM : Vous voici aujourd’hui tous debout devant HACHEM votre D. (…) »
Dans cette dernière Paracha de l’année et dans les derniers moments de sa vie, Moshé Rabbénou s’adresse à toutes les générations présentes et futures.
La Torah dit en effet (DEVARIM 30-11, 12 et 13) : « Car cette Mitsvah que JE t’ordonne aujourd’hui n’est pas trop élevée pour toi, ni trop lointaine.Elle n’est pas au Ciel pour que tu dises : qui montera pour nous au ciel nous la chercher, pour nous la faire entendre, que nous la mettions en pratique. Elle n’est pas au-delà des mers pour que tu dises : qui ira au-delà des mers pour nous la chercher, nous la faire entendre pour l’accomplir. » Elle est au contraire très proche de toi, dans ta bouche et dans ton coeur pour être accomplie !
« La Mitsvah que JE t’ordonne » : de quelle Mitsvah s’agit-il ?
Rachi explique : il s’agit de l’Etude de la Torah écrite et de la Torah orale.
Le Sforno indique : il s’agit de la Mitsvah de la TECHOUVAH, qui est à la portée de ton coeur et de ta bouche !
Le Baal Hatourim développe : il s’agit pour nous de prendre connaissance des valeurs de la Torah orale et et de la Torah écrite, afin de corriger nos erreurs, nos fautes et ignorances, dans le but de réaliser une authentique TECHOUVAH.
De toute évidence une chose est certaine : la Mitsvah de l’Etude de la Torah et la Mitsvah de la TECHOUVAH ne sont ni dans le Ciel ni au-delà des mers. Elles se trouvent, bien au contraire, toutes proches de nous, de notre bouche et de notre coeur.
Alors la question se pose : pourquoi l’homme éprouve-t-il de grosses difficultés à étudier la Torah et faire TECHOUVAH ?
La plus grande faute consiste malheureusement à penser et à dire que la TORAH et la TECHOUVAH semblent inaccessibles et réservées à une élite.
HAKADOSH BAROUK’H HOU en témoigne par la voix de Moshé Rabbénou : elles sont au contraire très accessibles pour tous, sans exception, et tout dépend de ta bonne volonté !
La Paracha NITSAVIM (29-9) nous rappelle que nous sommes tous, du plus petit au plus grand, devant HACHEM ! La TORAH nous encourage à nous préparer, afin de nous présenter devant HACHEM le jour de ROCH HACHANA, le jour du jugement, car HACHEM décide QUI sera inscrit dans le LIVRE DE LA VIE pour une nouvelle année dans la JOIE, la SANTE et le BONHEUR.
Rappelle-toi : elle n’est pas dans le ciel, ni au-delà des mers, car elle est toute proche de ton coeur et de ta bouche !
Parachat Nitsavim
Emet
Notre Paracha ouvre en ces termes « atem nitsavim », Moché réunit le peuple et leur dit ‘’vous êtes tous présents et stables devant D’IEU’’. Le Deguel Mah’ané Efraïm propose la lecture suivante : les Sages enseignent : la vérité – le émet, ne s’écroule jamais, à la différence du mensonge qui ne tient pas. En inversant les lettres du mot ‘’atem’’ on obtient ‘’emet’’. Moché dit aux Enfants d’Israël si vous suivez la vérité alors vous existerez pour toujours. C’est la vérité qui nous tient debout pour l’éternité.
Rav Chalom Hacohen de Djerba zal (rapporté par Rav Wallah’ Maâyan Hachavoua page 584) rajoute : Moché dit aux Enfants d’Israël ce n’est que par le biais du Emet que vous vous tenez devant D’IEU comme a dit le roi David dans les Téhilim (101-7) ‘’celui qui ment ne peut pas se enir devant moi’’.
Tout le monde revendique la vérité, on a même fini par inventer un des plus gros mensonge ‘’chacun sa vérité’’, comme s’il y avait de multiples vérités. Le émet est un des plus essentiels exercices de la vie de l’homme, nos Sages nous aident dans ce travail et ont fixé deux bénédictions par jour qui traite de ce sujet, ce sont les bénédictions qui suivent le Chémâ du soir ‘’emet véémouna’’ et du matin ‘’emet véyatsiv’’.
Lève-toi
Moché invite et rappelle aux enfants d’Israël qui se tiennent debout devant D’IEU « nitsavim ». Le propre du juif est de se lever, selon Rav Guédalya Segal (Yalkout Maamaré Emouna page 370) ce verset fait allusion au devoir de se lever tôt le matin pour aller prier les Sélih’ot !
Si la journée appartient à ceux qui se lèvent tôt, alors ceci est encore plus vrai lorsqu’on parle du peuple d’Israël.
A une semaine de Roch Hachana comment peut-on encore s’interroger à quelle heure on se lève ?! L’année se termine par l’horaire auquel on bondit de son lit pour aller implorer la miséricorde divine en chantant les Sélih’ot.
Cela veut dire également que lorsque le juif prie il est sur ses pieds, par et avec la prière on ne s’écroule jamais, la Téfila nous permet de nous maintenir debout. Profitons de ces quelques jours de Sélih’ot qui nous restent pour ouvrir toutes les portes du Ciel.
Rabi Yossef Karo zal ouvre son Choulh’an Arouh’ c’est-à-dire toute la loi pratique dite halah’a par ce premier paragraphe : il faut se renforcer tel un lion et se lever le matin pour servir son créateur, il faut soi même réveiller le matin – c’est-à-dire se lever avant le lever du jour. Ce que nous faisons pour les Sélih’ot le Choulh’an Arouh’ nous invite à le faire toute l’année. C’est incroyable. La Tora appartient à celui qui se lève tôt pour servir son créateur. C’est donc certainement la première chose sur laquelle nous devons faire Téchouva, se lever tôt et arriver à l’heure dès le début de la prière. Tous les jours et encore plus le jour de Chabat et les jours de fêtes. Comment on n’a pas peur d’arriver tard aux prières du jour du jugement ou du jour de kipour. C’est déconcertant de voir des gens arrivés à 10h (etc.) le Chabat et les jours de fêtes à la synagogue. Comment attendre de D’IEU qu’il écoute et réponde à nos prières si nos téfilot sont prises à la légère ?!
Les Sélih’ot des Séfaradim ouvrent avec un chant merveilleux ‘’ben adam ma léh’a nirdam’’ – homme, pourquoi dors-tu ?!
Le H’afets H’aïm dans son Michna Béroura rappelle que ceux qui se lèvent tard sont complètement hypnotisés par leur yetser hara. L’heure à laquelle tu te lèves pour aller prier prouve qui est maître : toi-même ou ton penchant. Nous nous trouvons dans un mois riche de prières c’est le moment d’en profiter grandement. La prière commence à l’heure où tu te lèves, c’est là toute sa qualité et sa force.
Téchouva
Dans le livre de Yéochouâ il est raconté que les Enfants d’Israël au retour d’une de leurs guerres rapportèrent du butin. Cependant il fut prononcé une interdiction de profiter de ce butin et qu’il serait entièrement consacré au Sanctuaire. Un homme du nom Ah’an transgressera l’interdit et sera condamné à mort. Cet homme compila une prière qui est au coeur des prières de Roch Hachana et que nous récitons tous les jours en clôturant chaque prière c’est le deuxième passage de Alénou Léchabéah’ ! D’ailleurs les trois premières lettres hébraïques de ‘’al ken nékavé la’h’’ sont l’acrostiche de ‘’ah’an’’. Si vous comprenez ce qui est écrit dans cette prière on ne peut être que surpris que cet impie ait eu le mérite de la compiler et qu’elle soit récitée par tout Israël trois fois par jour, s’exclame Rav Chlomo Lewinstein (Oumatok Haor page 84) ?!
Notre Paracha au chapitre 30 verset 2 inscrit le commandement de la Téchouva, en ces termes « et tu reviendras jusqu’à ton D’IEU ». Rabi H’aïm Kanievsky chalita nous dit donc, si on relit bien l’histoire de Ah’an nous pouvons constater un point remarquable chez cet homme. Yéochoua, après qu’il découvre la faute de Ah’an il lui demande de reconnaître son erreur. Immédiatement Ah’an reconnaît, il ne nie pas, voir Yéochoua 7 – 19,20. Par la reconnaissance de sa faute il fait téchouva et eu le mérite de compiler cette prière extraordinaire. Ce là nous apprenons la puissance de la téchouva. Cette téchouva qui commence par reconnaître nos erreurs ! Il n’y a rien de honteux que de dire ‘’oui j’ai fauté’’, au contraire toute la noblesse de l’homme se trouve là !
Le médecin et le pilote
Lorsqu’une personne doit se rendre chez un médecin pour un problème de santé, il prend des renseignements chez ses proches pour s’assurer de la qualité du médecin. Mais voilà que lorsque nous prenons l’avion on ne se renseigne pas sur la qualité du pilote, pourquoi ? Quelle est la différence, s’étonne Rav Yaâkov Galinsky zal (Léhaguid page 260).
Question qui titille notre esprit. Quelle est la réponse ? Le Rav explique : lorsque le médecin opère il n’engage que la vie du patient, alors que le pilote voyage avec le voyageur, il s’engage dans ce voyage, cela nous rassure !
Rachi dans notre Paracha écrit quelque chose d’incroyable. Au verset 3 du chapitre 30 la Tora dit « véchav hachem élokéh’a et chévoutéh’a », on a l’habitude de traduire « D’IEU te fera revenir de l’exil », mais cette traduction est inexacte, il faut traduire plus correctement « D’IEU reviendra dans ton retour ». Nos Sages au traité Méguila 29A enseignent : lorsque le peuple d’Israël est en exil alors D’IEU se trouve également avec eux, si on peut ainsi dire, et lorsque D’IEU nous libère de l’exil, Il revient avec nous !
D’IEU est avec nous ! Il n’y a rien de plus rassurant, quelle chance nous avons !
Dans les prières nous disons ‘’ata noten yad lapochim » Tu donnes la main aux fauteurs. Celui qui n’arrive pas à faire Téchouva, D’IEU l’aide et lui tend la main. Il y avait à Tel Aviv un homme atteint d’une grande avarice, raconte le Rav, et voilà qu’un jour il se rendit à la plage et se noya. Le sauveteur arriva et lui dit ‘’donne moi la main’’, l’homme lui répondit ‘’ne sais-tu pas que je ne donne rien !’’. Le secouriste lui dit ‘’alors prends ma main !’’, ainsi il fut sauvé. C’est ainsi que D’IEU s’adresse à l’homme, IL nous donne sa main pour qu’on revienne vers LUI. Ne ratons pas l’occasion, prenons cette main qu’il nous est tendu de la part de D’IEU ! Il est avec nous en toute circonstance.
Retour vers le Futur, par Rav Imanouël Mergui
Dans ses Hilh’ot Téchouva le Rambam me surprend lorsqu’il y consacre deux chapitres et demi pour nous parler du olam haba ! Voir chapitre 3 halah’a 5 jusqu’à la fin, chapitres 8 et 9.
Malheureusement de nombreux juifs ne savent même pas ce qu’est le olam haba, et ceux qui en ont entendu parler ne l’ont pas suffisamment saisi. Le olam haba fait partie intégrante de notre vie de juif, et tout aussi surprenant que cela puisse paraître cela s’inscrit dans le programme fabuleux de la téchouva. Pourquoi ?
Peut-être, avant tout pour répondre à ceux qui se demandent à quoi ça sert de faire téchouva. Ceux-là constatent que sans faire téchouva leur vie est pareille. Pourquoi faire téchouva, revenir vers D’IEU, vers la vérité, vers la Tora et ses commandements, pourquoi être meilleur puisque rien ne change, je ne vois pas quel intérêt et quel bénéfice j’ai que de faire téchouva. A cela, dans un premier temps le Rambam vient répondre : ce qui change et l’intérêt de la téchouva va bien au-delà de ce monde, les conséquences et rapport de la téchouva se feront davantage ressentir dans le monde à venir, le monde qui vient.
Le olam haba n’est pas uniquement le résultat de la téchouva. Allons plus loin, le olam haba est la téchouva même ! La téchouva est vue dans toute sa simplicité lorsqu’on l’a définie comme étant le retour de l’homme vers D’IEU, ce qui est déjà énorme puisque cela implique l’exercice de la émouna. Ensuite la téchouva implique le retour de l’homme vers lui-même, sans téchouva l’homme est en décalage de son être propre, il ne vit pas sa vie. Il ressort de ces passages du Rambam que la téchouva est un voyage vers l’éternité, vers ce qui ne meurt et s’éteint jamais ! La téchouva c’est une aventure qui ne se terne jamais, qui ne s’arrête jamais. Téchouva veut dire retour, c’est donc un retour vers le futur, un voyage vers le futur. On retourne là où on n’est jamais allé. Alors pourquoi parler de retour ? Cela veut dire que le monde du olam haba se trouve déjà en nous. En cumulant les définitions de la téchouva on obtient une idée fantastique à propos de la téchouva : revenir vers D’IEU pour retrouver l’essence même de notre être qui est éternelle et se tourne vers un futur qui ne cesse de grandir et nous surprendre. Faire téchouva c’est se surprendre, ce n’est pas du déjà vu, c’est découvrir D’IEU en notre for intérieur et se confondre en Lui.
Dans ce discours le Rambam compte toutes les personnes qui n’ont pas (encore) accès au olam haba. Je dis : pas encore, parce qu’ils n’ont pas encore fait téchouva. Le Rambam dénombre vingt-quatre personnes qui sont exclues, ou plutôt qui s’excluent du olam haba. C’est quelque peu effrayant, mais il faut le lire dans le sens où faire téchouva c’est dans un premier temps corriger ces vingt-quatre fautes ! On ne peut citer ici ne serait-ce que leur titre, mais pour ne citer qu’un exemple : le rambam parles des ‘’baâlé lachon hara’’ – les médisants !!!
Encore un point à noter dans ces halah’ot du Rambam dans lesquelles il va définir l’intérêt de désirer le Machiah’. Et le Machiah’ va nous conduire au olam haba. Le programme de la téchouva c’est se ranger dans ce programme messianique et olam haba, c’est tout simplement fabuleux. La téchouva est un univers sans fin, c’est le programme de toute une vie qui s’écrit en permanence. On ne peut pas s’épuiser de faire téchouva, il y a toujours quelque chose à découvrir. C’est un rebondissement qui nous fait monter et ne jamais descendre. On décolle, on s’envole, on monte très très haut. On découvre des potentialités divines et humaines qui ne cessent de nous exalter à nous-mêmes ! C’est un enchantement permanent. La téchouva commence certes par la reconnaissance de ses mauvais choix, la prise ferme sur soi de ne pas récidiver, le regret etc. etc., et elle se poursuit jusqu’après la venue du Machiah’ jusqu’au olam haba qui ne connaît pas de ‘’jusqu’à’’.
Fasse Hachem que nous puissions voyager vers le futur le plus lointain, le plus inimaginable, le plus spectaculaire, pour découvrir D’IEU dans toute sa splendeur, pour comprendre les potentialités qui nous animent et en faire bon usage. Chana Tova, bonne nouvelle année, sans covid, sans guerre, sans maladie, sans cruauté, sans animosité, une année tranquille à travers laquelle on pourra découvrir le monde le plus paisible celui du olam haba !