« La Formule Lechem Chamayim ! » par Rav Moché Mergui, Roch Hayéchiva
LECHEM CHAMAYM ! Telle est la formule souvent employée pour justifier notre conduite. Soyons sincères, soyons EMETH ! Agissons-nous vraiment LECHEM CHAMAYM, c’est-à-dire animé par un esprit pur et conforme au NOM DU CIEL, sans aucun intérêt personnel ?
Les Pirké Avot (17-20) nous donne deux exemples de disputes :
1/ Hillel et Chamay s’opposaient dans le cadre de discutions passionnées et totalement Lechem Chamaym.
La Guémara Irouvin 13b précise que la dispute durait trois ans. Ces deux écoles étaient uniquement à la recherche de la Vérité, et possédaient dans cet esprit des approches très différentes.
La Voix céleste a témoigné que les enseignements de Bet Chamay et Bet Hilel constituaient des Paroles du D…..VIVANT. Au bout du compte, la Halakha est établie d’après la majorité représentée par Bet Hilel, et Bet Chamay s’est soumis à cette décision, puisqu’il oeuvrait exclusivement LECHEM CHAMAYIM.
2/A l’opposé, la mauvaise mah’lokèt provoquée par Korah’ et son assemblée est une dispute Chélo lechèm chamaym, qui n’est pas inspirée et formulée au nom du Ciel.
La question se pose : pourquoi la Michnah a-t-elle choisi l’exemple précis de Korah’ et de son assemblée, plutôt que la dispute de Caïn contre Avel, les bergers de Lot contre ceux d’Avraham, la haine des frères de Yossef contre lui ?
La marh’loket de Korah’ est particulièrement insidieuse. En effet, Korah’ dit s’appuyer sur des arguments de Torah pour contredire les décisions de Moshé Rabbenou et Aaron HaCohen. C’est justement contre cette fausse apparence de Lichmah que la Michnah nous met en garde, en déclarant que la dispute est chélo lechem chamaym. Cela signifie que Korah’ n’est pas animé d’un esprit sincère pour être au NOM DU CIEL.
Si Korah’ s’était sincèrement posé des questions, il aurait bien sûr eu droit à des explications. Mais tenter d’exploiter des arguments de Torah dans l’unique but de déstabiliser Moshé Rabbenou et Aaron HaCohen, NON ! Korah’ ne cherche ni à comprendre ni à apprendre. Son but est révélateur : il cherche la division, la déstabilisation du peuple d’Israel, H’ass Ve Chalom.
Son attitude est ainsi disqualifiée, et ses arguments sont sans aucun doute chélo léchem chamaym.
Soyons et restons AU NOM DU CIEL ! Demandons des explications, soyons animés d’un esprit sincère et authentique pour la GLOIRE DIVINE ! Toutes les questions sont légitimes si elles sont posées dans un but constructif. Toute question a droit a une réponse adaptée selon la Torah de Moshé Rabbénou. Une question et une réponse LECHEM CHAMAYIM !
Parachat Korah’
La Tora et ses Maîtres
La Paracha nous raconte la querelle de Korah’ animée contre Moché. Moché lui répond « vous saurez que D’IEU m’a envoyé pour agir de la sorte, et ce n’est pas de mon coeur » (16-28). Rav BM Ezrah’i chalita (Birkat Mordéh’aï) constate une redondance dans ce verset, effectivement ‘’D’IEU m’a envoyé’’ et ‘’ce n’est pas de mon coeur’’ forme une répétition des propos de Moché ?
Le Rav de Brisk ztsal explique : lorsque le Rambam rédige les treize fondements de la foi nous constatons qu’il y en a deux qui touchent Moché. Nous devons avoir foi que Moché est le Père de tous les prophètes. Nous devons avoir foi que la Tora nous a été donnée du Ciel par l’intermédiaire de Moché. Korah’ et son assemblée ont renié ces deux principes. D’un côté ils reprochent à Moché d’être au-dessus du peuple. De plus ils renient que Moché a reçu la Tora du Ciel, comme le note le Yérouchalmi.
C’est le sens des propos tenus par Moché. ‘’C’est D’IEU qui m’a envoyé’’ – ceci exprime que Moché est le Père des prophètes. ‘’Ce n’est pas de mon coeur’’ – D’IEU m’a mandaté pour transmettre la Tora du Ciel aux Enfants d’Israël.
Les fils de Korah’ se sont détachés de l’assemblée de leur père et ont proclamé ‘’Moché Emet VéTorato emet’’ – Moché est vérité et sa Tora est vérité. Ils expriment que Moché est prophète : ‘’Moché est Vérité’’. Ils expriment également ‘’Sa Tora Est Vérité’’ – Moché a bel et bien reçu la Tora du Ciel.
Notre histoire a souvent (et malheureusement encore) connue des hommes qui ont remis en question l’autorité de Moché, sa prophétie, et l’authenticité de la Tora. Afin de se défaire de la Tora et prétexter nos mauvais choix on préfère dire que Moché a tout inventé, c’est dramatique. Relisons notre Paracha avec toute sa profondeur pour réaffirmer notre attachement à la Tora, à sa vérité ainsi qu’à la vérité de reconnaître la grandeur des Maîtres de la Tora. Notre Paracha dépeint le sort dramatique à ceux qui s’avisent à déstabiliser le peuple en niant la Tora et ses Maîtres.
Les querelleurs
Notre Paracha nous décrit ce qui est arrivé à Korah’ et toute son assemblée suite à leur dispute envers Moché « la terre ouvrit sa bouche et les aspira » (16-32). Korah’ était accompagnée de deux hommes malintentionnés : Datan et Aviram. Lorsqu’on lit le livre des Téhilim au chapitre 106 verset 17 le roi David dit « la terre engloutie Datan et recouvra Aviram ». On peut s’interroger, comme le souligne Rav G.Z. Margaliot (Véchalal Lo Yeh’sar Rav Rozental page 332), pourquoi le roi David a distingué entre Datan et Aviram et emploie-t-il deux verbes ? Rav Dober Méalchih’ répond : Datan était l’aîné de Aviram, c’est la raison pour laquelle il est toujours mentionné en premier, il était l’initiateur de tous les problèmes causés à Moché, il est donc châtié avant son frère cadet Aviram. On peut rajouter que c’est la raison pour laquelle le roi David n’emploie pas le même verbe pour les deux ; effectivement pour Datan il dit qu’il a été avalé alors que pour Aviram il dit que la terre l’a recouverte. L’idée contenue ici est de punir davantage le planificateur de la querelle. Participer à une querelle est chose grave, il faut fuir la discorde de la même façon qu’on fuit un incendie, mais organisé une querelle c’est pire que tout. Malheureusement il y a des gens qui n’ont rien d’autre à faire dans la vie que d’organiser des problèmes aux autres. Il y a des gens comme ça qui n’ont rien de positif à proposer, ils ne savent rien faire d’autre que de déstabiliser les autres, ils sont vides et ne supportent pas de voir qu’il y en a qui avancent dans la vie. Tout leur programme n’est que haine et discorde.
La Paracha nous met en garde pas seulement de se protéger ce genre d’être humain mais surtout de ne pas être un initiateur à la zizanie. Dans le couple, la communauté, la société etc. ne soyons jamais la source d’une quelconque mésentente, et ce même si nous en avons de bonnes raisons, à fortiori qu’il n’existe aucune bonne raison de se quereller. C’est un mensonge de croire le contraire…
Critiquer c’est mourir
Un homme entre dans une boutique et critique tout ce qu’il voit. Le commerçant ne dit mot mais au bout d’un moment il lui dit ‘’si tu n’es pas satisfait de ma boutique pourquoi y es tu rentré, sors donc’’. Voilà la meilleure façon de se faire détester c’est d’exceller dans les critiques. Korah’ ne cesse de critiquer Moché, quelle est sa fin ? La mort. Critiquer c’est mourir. La meilleure façon de savoir qui fréquenter dans sa vie c’est l’exercice de la critique. Eloigne toi de ceux qui ne cessent de voir des problèmes de partout, sinon tu disparaîtras avec eux. Tu commences par critiquer les hommes et tu en finis par critiquer D’IEU et tout ce qu’il fait. L’homme doit trouver satisfaction même dans un monde où les critiques ne manquent pas.
A la suite de cette idée Rav Gamliel Rabinovitch raconte (Tiv Haparacha 9ème année page 606) : Rav Chimon Yaroslav était un élève du H’atam Sofer et il vécu d’une longue vie. Un jour on lui demanda qu’est-ce qui lui a valu de bénéficier d’une longue vie ? Il répondit : en général l’homme a plein de questions sur D’IEU, si c’est sur sa vie, sa parnassa, son couple, sa santé etc., alors D’IEU leur dit : puisque tu veux tout comprendre je vais te ramener près de moi et tu verras comment je gère les choses ! Alors l’homme disparaît de la vie d’ici-bas. Mais moi je n’ai jamais posé de questions et je n’ai jamais remis en cause les choix de D’IEU alors il m’a laissé ici dans ce monde ! Les critiques écourtent la vie. Accueillir la vie telle qu’elle est, c’est le meilleur remède pour en profiter et être heureux…
Argent volé
Lorsque Korah’ péri la Tora dit « la terre les engloutie, eux et leurs maisons, et tous leurs biens » (16-32). Le Yérouchalmi enseigne que même un objet de cette assemblée qui se trouverait à l’extérieur de chez eux et même s’il se trouvait chez quelqu’un d’autre a été englouti par la terre.
Le Gaon Rav Ben Tsion Moutsapi chalita (Dorech Tsion page 323) s’interroge : pourquoi fallait-il que toute cette richesse soit perdue ? Korah’ est de la tribu de Lévi, cette tribu n’a pas participé à l’esclavage de l’Egypte, elle en a été épargnée. D’IEU avait promis à Avraham que sa descendance connaîtrait la richesse après l’esclavage (Béréchit 15-13,14). Chaque tribu a reçu un dédommagement du temps d’esclavage subi. Mais Korah’ pourquoi a-t-il reçu de l’argent puisqu’il n’a pas subi le drame de l’Egypte ? C’était de l’argent qu’il avait volé !!! L’argent volé doit disparaître. L’argent volé est un poison, le Chevet Hamoussar dit qu’une personne qui a un euro volé dans mille euro, tout son argent sera détruit !
l’Amour 3 – par Rav Imanouël Mergui
L’amour n’est pas qu’un concept philosophique. Tout le monde prône l’amour. Mais ce n’est pas le but de crier et clamer l’amour. Le vrai amour est celui que l’on témoigne concrètement envers autrui.
Si l’amour est un commandement qui concerne tout le monde, il y a certaines personnes qu’il convient d’aimer davantage ! Rav Daniel Heyman dans son livre Hakarat Hatov Bahalah’a cite les Maîtres rapportés ici qui développent une idée commune.
Rabénou Yona dans son commentaire sur Michleï chapitre 22 verset 11 écrit quelque chose d’incroyable : on a l’obligation d’aimer la personne qui a fait preuve de bienveillance à notre égard ! Cela veut dire que s’il y a un devoir d’être reconnaissant envers celui qui nous a rendu un quelconque service, nous avons en plus de cela le devoir de l’aimer ! On peut dire différemment : le devoir de reconnaissance envers celui qui t’a offert ses services se traduit par le devoir de l’aimer !!!
Rabénou Yona poursuit : ce devoir existe même si tu n’attends pas qu’il te rende encore un service ! C’est extraordinaire aimer l’autre non pas pour ce qu’il me fera dans le futur mais par rapport à ce qu’il a déjà fait pour moi ! Bien souvent les gens à qui on a rendu des services deviennent des ennemis, c’est hallucinant. La voie de la Tora c’est d’aimer ceux qui ont été bienveillant à ton sujet.
Le Hafets H’aïm (Chmirat Halachon Chaar Hatévouna chapitre 1) écrit : si, h’as véchalom, une personne perd la voix à cause d’une quelconque maladie, et que les médecins lui disent qu’il n’y a aucun remède, puis vient un médecin le guérit de sa maladie, n’est-il pas du devoir du patient de l’aimer véritablement ?! Il irait même jusqu’à se jeter à ses pieds pour l’en remercier ! En tout cas il n’oserait pas dire du mal de ce médecin après qui lui a trouvé remède à sa plaie !
Rav Moché Feinstein zal (Iguérot Moché Y’’D III-166 page 403) écrit : même si celui qui t’a prêté de l’argent le fait parce qu’il a le commandement de le faire, il ne fait aucun doute que l’emprunteur devienne son ami et l’aime. Il est une obligation d’aimer celui qui t’a prêté de l’argent, sinon tu es ingrat ! Cela veut dire que même si celui qui t’a rendu un service il a le devoir de faire ce qu’il fait parce que la Tora lue lui ordonne, toi qui as reçu ce service tu as le devoir d’en être reconnaissant, et cette gratitude passe par le devoir de l’aimer ! C’est splendide…
Rabi Eliezer Papou zal dans son Pélé Yoets (Bizayon) écrit quelque chose de formidable, qui va dans ce sens, voici un extrait : il est une grave interdiction que de mépriser quiconque…, à fortiori qu’il faut être vigilant de ne pas faire preuve d’ingratitude envers celui qui t’a rendu un service et de ne mépriser aucun homme de qui tu as reçu un bienfait, ne serait-ce qu’un petit service… à fortiori celui qui a été bon à ton égard que tu devras ressentir de l’amour envers lui pour l’éternité… !
Les propos surpuissants de ces Maîtres m’ébahissent.
Aimer c’est le retour de ce que j’ai reçu de l’autre.
Aimer c’est l’expression de la gratitude de ce que j’ai reçu de l’autre.
Aimer c’est ce que je dois à celui qui m’a rendu un service.
Même s’il a le devoir de m’aider, tel le médecin ou celui qui me prête de l’argent, je dois l’aimer.
On ne peut se libérer de la gratitude et de l’amour envers mon bienfaiteur en prétextant qu’il se devait de le faire !
La hakarat hatov n’a pas de limite, et elle va au-delà d’un simple merci ou d’un bouquet de fleurs ou d’une bouteille de vin !
La hakarat hatov c’est aimer l’autre et ce même pour un service infime que j’ai reçu de lui.
Rav Moché Feinstein écrit encore « il est grave de ne pas être reconnaissant envers l’autre, cette chose même les nations l’ont comprises ! ».
Celui qui sait aimer ceux qui lui offrent leur aide, soutien et solidarité sait apprécier la vie et ne vit que dans le bonheur.