« La Grande Mitsva du Jugement » par Rav Moché Mergui, Roch Hayéchiva

La Torah dit (Parachat MICHPATIM (21-1) « Et voici les MICHPATIM [les Ordonnances] que tu placeras devant eux. »
Immédiatement après la Révélation divine sur le HAR SINAÏ et la Proclamation des DIX PAROLES, Moché Rabbenou reçoit au pied du mont Sinaï l’Ordre divin d’enseigner EN PRIORITE les MICHPATIM, c’est-à-dire les lois, les statuts et toutes les Ordonnances concernant l’homme vis à vis de son prochain [Ben Adam Leh’avéro].

Que signifie la précision « tu placeras devant EUX » ? Rachi explique : Hakadoch Barouh’ Hou dit à Moché Rabbenou : ne te contente pas de dire « Je vais certes leur enseigner un chapitre, une loi deux ou trois fois jusqu’à ce qu’ils la connaissent bien, sans me donner la peine de leur faire comprendre les raisons et leurs significations. » Car il est dit : COMME UNE TABLE DRESSEE [Choulh’an Aroukh] prête pour y manger, c’est-à-dire afin que la compréhension accompagne obligatoirement la connaissance. Ainsi, l’enseignant doit à la fois exposer et expliquer. Le but de la transmission consiste à s’assurer que l’enseigné a bien assimilé le sujet avant de passer au suivant.

Devant EUX, et non pas devant les « gentils ». Car pour NOUS, les Michpatim sont des Mitsvot divines qui ne se limitent pas à régler un litige ou un conflit par la logique humaine. Le jugement appartient à HACHEM : le juge est le représentant de Hachem sur cette terre et le jugement doit être réellement conforme à la Volonté divine.

Yitro nous donne un exemple remarquable. Il a très bien compris cette Exigence divine et il se permet de dire à Moché Rabbenou (18- 17, 18 et 19) : « Je te donne un conseil logique, la charge est trop lourde pour toi, tu désigneras des hommes de qualité pour partager cette charge et tu consulteras Hachem qui te l’ordonnera, alors tu le feras »

La Torah qualifie le juge du nom de ELOKIM, en relation avec le caractère divin de sa fonction. Le rôle du juge ne se limite pas à trancher selon la loi et dire qui a raison ou qui à tort. Il est là pour accomplir la grande Mitsvah du jugement.

Les Bénédictions de la Tora

Ce Chabat, 1er adar est la Hiloula de Rabi Avraham Ibn Ezra

Il compose de nombreux ouvrages mais certainement son commentaire sur la Tora reste le plus populaire et fondamental. Pour lui rendre hommage voici un commentaire qu’il écrit sur la Paracha au chapitre 23 verset 25. Je m’efforcerai de rester le plus fidèle à ses mots. Je vous laisse savourer la profondeur de ses dires.
La Tora dit « Vous servirez Hachem votre D’IEU, IL bénira ton pain et tes eaux, et J’enlèverai toute maladie de parmi toi ». Vous ne servirez seulement D’IEU qui vous a fait sortir du pays de l’esclavage, IL vous a conduit vers la terre des idolâtres et d’aucun dieu n’a pu vous en secourir.

Le service divin consiste à : faire tout ce qu’IL ordonne, de l’aimer et se coller à Lui, de ne jurer que par son nom, de prier vers Lui, de lui offrir des sacrifices, de Le respecter en prélevant la dîme. Le salaire envers celui qui agit ainsi connaîtra quatre conséquences dans ce monde ci : 1) la bénédiction dans son pain et ses eaux, 2) aucune maladie ne l’atteindra, 3) il ne subira pas la stérilité et de perte d’enfant, 4) sa vie ne sera pas écourtée. Ces choses sont liées au corps. Les ennemis d’Israël subiront l’opposé de ces dites bénédictions.

Avraham, l’auteur dit ; certains Maîtres de la Tora écrite et orale ignorent la sagesse de la descendance – ‘’h’oh’mat hatoladot’’ – afin d’expliquer ces bénédictions je dois t’expliquer un peu cette science. Le corps de l’homme est composé des éléments inférieurs, et l’âme qui vient du monde supérieur lui est liée. Il y a des intermédiaires entre le corps et l’âme. Ils sont deux énergies. En langue sainte on les nomme : ‘’roua’h’’ et ‘’nefech’’. L’âme c’est la sagesse, elle se trouve dans le cerveau, d’elle provient les énergies sensitives et la faculté de se mouvoir. Le rouah’ se trouve dans le cœur, duquel dépend la vie de l’homme, c’est elle qui désire dominer sur tout ce qui l’entoure, elle connaît le vice de la colère. Le nefech se trouve dans le foie, elle stimule le désire de l’alimentation, du sexuel. Leur présence en l’homme diffère, chacune de ces énergies peut se trouver plus forte ou plus faible chez chaque individu, il existe vingt-sept catégories de personnes. D’IEU a donné la Tora afin de renforcer et consolider l’âme suprême. Lorsque l’homme ne respecte pas la Tora, son corps surpasse son âme… Si le corps est inanimé de la faculté intellectuelle, alors l’âme suit le corps… D’IEU a choisi Israël et leur légua sa Tora, lorsqu’ils gardent la Tora ils trouveront la sagesse, là D’IEU les guidera afin qu’aucun mal ne leur advient. Le corps suit l’âme c’est la règle à suivre et non le contraire.

Plus l’homme renforce son âme plus son corps sera préservé par l’aide du ciel – c’est cela qu’on appelle les ‘’toladot’’. Il trouvera la bénédiction dans ce qu’il mange et boit. Toutes les maladies viennent à l’homme à cause de ce qu’il mange, ais celui qui garde la Tora n’aura rien à craindre – c’est la bénédiction de son pain. Il y a certaines maladies qui atteignent l’homme à cause des microbes qui se trouvent dans l’air – c’est la bénédiction qui dit que D’IEU enlèvera toute maladie. Celui qui garde la Tora n’aura pas besoin de médecin, il est accompagné de D’IEU !

Jusque là j’ai parlé de la science médicale, maintenant je vais parler de la science des astres. Sache que chaque être né est soumis à l’ordre astral en fonction de l’heure de sa naissance. Cette chose est très profonde. La femme qui naît sous un mauvais signe astral sera stérile ou perdra ses enfants, mais D’IEU déjouera les astres pour celui qui se colle à Lui. Ainsi D’EU a dit à Avraham d’avancer dans sa voie afin de changer son mazal. Les étoiles n’ont pas été créées pour faire du bien ou du mal aux hommes, elles suivent l’ordre divin pour Le servir, néanmoins leur cycle a des conséquences sur les humains, celui qui sert D’IEU ne subira rien de leur influence – c’est la bénédiction d’avoir des enfants et de les voir vivre. La quatrième bénédiction est de vivre de nombreuses années. Nous savons que les années de l’homme lui sont fixées, les aléas de la vie ont une influence sur le temps de vie de l’homme. Celui qui est collé à D’IEU verra son corps se renforcer par le biais de l’âme ! Celui qui meurt à la guerre ou par épidémie n’a pas atteint les années qui lui avaient été imparties ! Ils subissent les humeurs de l’air et des microbes c’est le principe de la ‘’tolada’’ ; mais celui qui est collé à D’IEU il en sera protégé. Je n’ai pas besoin de m’allonger davantage ! »

Hiloula Rabi Israël Salanter ztsal (1809-1883)
Cette semaine, dimanche 25 chévat, se tenait l’anniversaire du décès de ce grand géant maître de la Tora. Ses enseignements se comptent par milliers, en voici un bref échantillon. Il marqua le monde par le mouvement appelé ‘’ténouat hamoussar’’ où il invite chacun à travailler grandement ses traits de caractère afin d’être correct avec son entourage. Cet exercice appelé le travail sur les ‘’midotes’’, a largement été développé par ses grands élèves : Rav Yitsh’ak Blazer et le Saba de Kelm. Son œuvre clé est le ‘’Or Israël’’. Une de ses grandes découvertes est que le travail de l’homme se dessine en trois parties 1) herguech – ressentir qu’on a un défaut, 2) kévichat hayetser – contenir ses pulsions, 3) tikoun hayetser – corriger son penchant… Sur le conseil de son Maître Rabi H’aïm de Volosyn il disait : ne quitte jamais le livre de Mésilat Yécharim, il te guidera où tu iras. Ses élèves expliquaient que la paracha de son décès est Michpatim, cette paracha qui nous apprend combien doit-on faire attention aux biens d’autrui.
Il se plaignait grandement de voir que la couronne de la Tora soit tellement méprisée.
Les Sages enseignent qu’à la fin des temps la face de la génération ressemblera à celle du chien ! Il expliquait : le chien court devant son maître, mais lorsqu’il arrive devant un carrefour il se retourne pour voir quelle direction son maître a choisi, de même, malheureusement, les dirigeants d’Israël regardent derrière eux pour voir si le peuple les suit et en fonction ils prennent des décisions…
Ce n’est qu’en faisant du bien aux autres que tu finis par les aimer, disait-il encore !

Le miroir et la fenêtre

Au chapitre 22 verset 6 la Paracha nous parle des lois de gardiennage, le verset dit « si un homme a donné de l’argent ou des objets à garder et le dépôt a été volé ». Quelle est la loi du gardien ? La Tora continue d’indiquer ce qu’il faut faire. Le Gaon Rav Ben Tsion Moutsapi chalita (Dorech Tsion page 498) raconte : Un pauvre s’est rendu chez le Rav lui faisant part de son manque d’argent alors qu’il est sur le point de marier sa fille. Le Rav lui indiqua l’adresse d’un homme riche pouvant l’aider. Le pauvre dit qu’il est déjà allé voir ce riche et lui a donné qu’une petite somme. Le Rav l’invita à le suivre et ensemble ils se rendirent chez le riche. Le riche reçu le Rav avec grand respect et demanda en quoi lui valait cette visite surprise. Le rav invita le riche à redoubler d’effort pour subvenir aux besoins du pauvre. Le riche rétorqua qu’il avait déjà donné ! Le Rav lui dit qu’il n’a pas donné assez ! Le Rav demanda au pauvre de dresser la liste détaillée de tout ce dont il avait besoin, puis se tourna vers le riche lui demandant de combler tous ses besoins ! Le riche refusa. Le Rav lui demanda s’il avait un miroir. Le riche répondit par la positive. Le Rav lui demanda de se dresser face au miroir. Que vois- tu ?, lui demanda le Rav. Je vois ma silhouette, répondit l’homme. Alors le Rav l’invita à se mettre devant la fenêtre de la maison, lui demandant de décrire ce qu’il voyait. L’homme répondit qu’il voit des gens aller et venir. Le Rav lui dit alors : explique-moi la différence, voilà que le miroir est fait de verre comme la fenêtre. Mais, le Rav poursuivit, la différence se trouve dans la feuille d’argent qui se trouve derrière la vitre ce qui la rend miroir. C’est-à-dire, expliqua-t-il : lorsque l’homme possède de l’argent il ne voit plus les autres ! Si tu crois que l’argent est à toi et tu n’en fais pas profiter les autres un jour tu vas le perdre. C’est le sens de notre verset « lorsque de l’argent a été déposé chez l’homme, par D’IEU, s’il ne sait pas le partager avec les nécessiteux, il verra son argent qui lui sera volé ! ». La Tsédaka protège nos biens !

Ses fautes sont expiées

La paracha nous parle d’une personne qui a blessé autrui, et l’engage à des remboursements afin qu’il soit nettoyé de sa faute (chapitre 21 verset 19). Quel est le sens du nettoyage de sa faute ? Le Baâl Hatourim fait remarquer qu’on retrouve cette formulation trois fois dans la Tora desquelles les Sages ont appris : tois personnes voient leur faute être effacées 1) le malade qui a guérison de sa maladie, 2) le marié, 3) le roi. Rav Chilo ben David (Haparacha Hamah’kima page 591) note encore : les Sages enseignent également que trois autres personnes trouvent expiation de leur faute 1) celui qui se converti au judaïsme, 2) celui qui monte de grade, 3) celui qui épouse une femme. Le sens simple veut que ces personnes changent d’état donc leur faute ne leur sont plus attribuées. Allons plus loin, ces personnes se reconstruisent et sont obligés de se reconstruire pour mener à bien leur mission. On ne peut rien bâtir sur des fondations fragiles. Tout nouveau départ nécessite des bases fortes, et si on a échoué jusqu’ici autant tout reprendre à nouveau, là les fautes sont expiées pour une nouvelle aventure.

L’homme libre et joyeux – par Rav Imanouël Mergui

Les fêtes sont mentionnées plusieurs fois dans la Tora. Dans la paracha de Michpatim elles figurent au chapitre 23 versets 14 à 18. La question s’impose : cette paracha qui parle des lois que l’homme doit respecter vis-à-vis d’autrui on ne comprend pas très bien quel est le lien avec les trois fêtes ? Durant les fêtes, tous devaient se rendre au Bet Hamikdach, il y a une discussion dans les décisionnaires si cette mitsva est praticable de nos jours… Les fêtes contiennent de nombreuses lois, déjà propres à la fête: chofar, loulav, souka, matsa, hagada etc., également des lois plus générales comme celles de yom tov et h’ol hamoed. Ce sont des moments privilégiés pour se lier fortement à D’IEU et renforcer notre foi et notre dévouement à la pratique de ses commandements. Alors pourquoi la Tora les a mêlées aux lois relatives au comportement vertueux qu’on doit témoigner envers tout un chacun ?

Le Talmud au traité Pésah’im 109A enseigne : la Tora dit (Dévarim 16-14) « vésamah’ta béh’aguéh’a – tu te réjouiras dans ta fête », de là les Sages apprennent que l’homme a le devoir de réjouir sa femme et ses enfants durant chaque fête ! En quoi consiste cette joie ? Comment doit-il les réjouir ? Lui-même se réjouira par la boisson du vin! Rabi Yéhouda enseigne : les femmes il faut les réjouir par des éléments qui leur sont propres. Comment ? Rav Yossef explique : en leur payant de nouveaux beaux vêtements ! ». Le Rambam stipule cet enseignement dans la Halah’a (Hilh’ot Yom Tov chapitre VI-18), il écrit : « durant les jours de Yom Tov l’homme doit être heureux et réjouit du cœur, lui, ses enfants, sa femme et tous ceux qu’il côtoie. Aux enfants il ne manquera pas de leur acheter des sucreries et délicatesses, pour les épouses on leur achètera des vêtements et des bijoux, les hommes consommeront de la viande et du vin ». Nous voyons que les jours de fêtes qui sont des moments de grande proximité d’avec D’IEU sont également des périodes où l’on doit se réjouir grandement tout en assurant la joie des autres. Notre rapport intime avec D’IEU, ne doit pas se faire sans rendre tout le monde joyeux. C’est certainement là la plus grande proximité qu’on peut avoir avec D’IEU : réjouir les autres ! Durant les jours de fêtes nous devons augmenter l’amour d’entre les hommes, écrit encore le Rambam dans son Moré Hanévoh’im (III- 43) ! L’amour qui doit régner entre les humains n’est pas en parallèle de l’amour de D’IEU mais fait partie et s’inscrit dans l’amour de D’IEU! C’est extraordinaire.

Dans la Paracha Michpatim (22-21 à 23) la Tora nous enjoint de ne pas peiner la veuve et l’orphelin.

Etudions une Halah’a dans le Rambam (Méguila II- 17) « il est préférable de donner davantage aux pauvres les dons de Pourim plus que dans le repas de Pourim, car il n’y a pas plus grande et plus belle joie que de réjouir le cœur des pauvres, des orphelins, des veuves et des convertis. Celui qui réjouit ces malheureux ressemble à la Chéh’ina à propos de laquelle il est dit ‘’D’IEU ravive le souffle des démunis et des accablés’’ ». Et dans les lois de Yom Tov (VI-18) il dit encore « durant les fêtes lorsque l’homme mange et boit il a l’obligation de se préoccuper à subvenir aux besoins du converti, de l’orphelin et de la veuve ainsi que tous les pauvres (voir la suite de ses propos).

De tous ces textes nous constatons que l’enjeu de la fête ne peut se jouer sans se tracasser de l’autre, tout autre soit-il. On ne peut pas vivre pleinement le projet de chaque fête en faisant l’impasse sur l’autre. La fête de Pessah’ où nous animons nos soirées du Seder par la grande mitsva de raconter la sortie d’Egypte, ouvre par le fameux texte ‘’kol dih’fin yété véyéh’oul’’ – que tout celui qui a faim vienne et mange. Notre sortie d’Egypte n’a aucun sens autrement. Si et puisque tu es libre tu ne devrais pas avoir peur de t’occuper de l’autre. Partage ta joie mais surtout ta liberté, aide l’autre à connaître la liberté au même rang dans lequel tu te trouves. L’être libre est celui qui ne supporte pas de voir que l’autre ne l’est pas encore. Ma liberté dépend de celle que je suis à même d’offrir à l’autre. La liberté ne supporte pas comme définition d’être libre de faire ce que je veux quand je veux et où je veux. Ceci n’est pas liberté mais l’emprisonnement de nos fantasmes. La liberté consiste à offrir la liberté à l’autre. Il en est tout autant pour ce qui est du domaine de la joie. L’être joyeux n’est pas celui qui baigne dans les plaisirs égoïstes, mais c’est celui qui sait rendre joyeux les autres. Si tu possèdes la joie tu sais la partager, et si tu as peur de la partager c’est que tu ne la connais pas.

Se rapprocher de D’IEU c’est faire comme D’IEU redonner le goût de la vie à ceux qui sont amères. Chaque fête a un sens propre, mais le sens commun de toutes les fêtes se trouve dans notre rapport à l’autre et dans la faculté de lui offrir ce qu’il n’a pas. C’est le réjouir pleinement en l’associant à notre joie et notre liberté. L’homme libre et joyeux est celui qui se soucie de l’autre. Réjouir l’autre c’est lui offrir ce qu’il n’a pas, à manger, des bonbons, des vêtements et des bijoux ! C’est le message succinct de toutes nos fêtes.

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