La Torah dit (Parachat Korah’ 16-15) : « La contestation de Korah’ et son assemblée affligea profondément Moshé et il dit à Hachem : ‘Ne Te tourne pas vers leur offrande ! Je n’ai pas pris à un seul d’entre eux son âne, et je n’ai jamais fait de mal à un seul d’entre eux’ ». Toute question qui est posée avec un esprit respectueux, c’est-à-dire avec l’intention d’accepter la réponse quelle qu’elle soit, est une bonne interrogation qui mérite une écoute attentive et une réponse adaptée. De nombreuses questions ont été soumises à Moshé Rabbénou, qui les a prises en considération et les a présentées à Hachem : par exemple, celle concernant les hommes impurs qui souhaitaient offrir le sacrifice de Pessa’h, ou encore, notamment, celle concernant les filles de Tsélofrad qui désiraient obtenir un héritage en Erets Israël. Car il s’agissait de questions légitimes qui ont reçu une Réponse divine adaptée, et par conséquent obligatoirement applicable. Mais les deux-cent cinquante hommes qui soutiennent la rébellion agressive de Korah’ sont déterminés à offrir la Kétoret même sans avoir l’accord de Moshé Rabbénou qui les a pourtant avertis : attention, un seul survivra ! Moshé Rabbénou est confronté à une triple révolte infondée, dont chacun des instigateurs s’agrège aux autres, ce qui va aboutir à causer leur perte. -celle de Korah’, le rebelle, a pour but de délégitimer l’autorité de Moshé Rabbénou et met gravement en cause tout l’Ordre défini par Hachem en affirmant insidieusement : nous sommes tous à égalité, donc tous pareillement saints, et Hachem est parmi nous tous, alors pourquoi vous élevez-vous au dessus de l’assemblée de Hachem ? -celle de Datan et Aviram, deux personnages connus pour leur méchancheté, qui se sont joints à Kora’h et sa bande de factieux, parce qu’ils sont toujours prêts à soutenir les mauvais projets ; -celle des deux-cent cinquante hommes, qui se sont laissés embarquer dans cette rébellion bien qu’ils paraissent animés en partie de bonne foi : ils se sont hélas laissés séduire par les propos de Korah’ : nous sommes tous saints ! Moshé Rabbénou sait que le groupe des deux-cent cinquante chefs de l’Assemblée est composé d’hommes de renom. Mais ils commettent une autre faute les conduisant à leur perte : ils prétendent, alors qu’ils n’y sont pas habilités, offrir la Kétoret, une offrande très sensible pouvant influencer la Miséricorde divine. Moshé Rabbénou prie aussitôt Hachem en énonçant la Vérité, et en disant : 1/je n’ai jamais profité des Béné Israel en leur demandant un seul âne pour mes déplacements ; 2/la participation des deux-cent cinquante hommes à la contestation intolérable de Korah’ est révélatrice d’un manque de Kédoucha [sainteté], et je Te demande qu’aucune faveur ne leur soit accordée. Seul celui qui pose une question respectueusement et qui ne s’associe pas à un projet négatif mérite la Bénédiction de Hachem.
Réjouir le déprimé – par Rav Imanouël Mergui
Le roi Chlomo écrit dans Michelé (11-17) : « celui qui est embrouillé, son proche parent est cruel – oh’er chééro ah’zari ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Toute situation qui n’est pas claire, qui nous embrouille, nous enlève la simh’a. Et qui est celui qui est cruel ? C’est celui qui a une simh’a et il ne la partage pas avec les autres ! Si j’ai la possibilité de réjouir mon prochain mais au lieu de le réjouir je le laisse dans son état embrouillé, alors je suis cruel ! A plus forte raison si je suis moi-même la cause de son malaise et de son état d’embrouille. D’ailleurs c’est ainsi que Rachi traduit notre verset : le cruel est celui qui déstabilise ses proches. Quelle cruauté d’ôter à l’autre sa simh’a. Nous pouvons conclure de cela que de ne pas être soucieux de la tristesse de l’autre c’est être dans la cruauté. Quelle cruauté d’être indifférent au problème de l’autre. Dans le même esprit, le Rambam écrit à propos de la mitsva de matanot laévyonim (dons aux pauvres) le jour de Pourim, qu’il n’y a pas de plus grande et plus belle simh’a que de réjouir les pauvres, les orphelins, les veuves et les convertis. Et le Rambam de continuer en nous disant que celui qui réjouit le cœur de ceux qui ont des raisons de déprimer ressemble à la Chéh’ina ! Comme il est dit dans la prophétie de Yéchaya 57-15 « à faire vivre ceux qui ont l’esprit rabaissé et à faire vivre ceux qui ont le cœur triste ». Donc comment fait-on vivre quelqu’un ? En lui donnant de la simh’a ! Réjouir quelqu’un c’est le refaire vivre ! Or c’est D’IEU qui donne la vie, donc lorsque je réjouis l’autre je lui redonne la vie, je ressemble à la D’IEU ! Le Kéli Yakar (fin de parachat Korah’) propose une idée fort intéressante : suite à la querelle de Korah’ envers Moché et Aaron, D’IEU ordonne à Moché de prendre une branche d’amandier, pourquoi ? Parce que D’IEU redonne vigueur à la branche asséchée. Après que Korah’ s’en prend au statut de Aaron qui est le grand Cohen, il fallait lui redonner de la viguerr. Redonner de la joie à l’autre c’est le sortir de son assèchement. Il y a encore pire que cela : exploiter la déprime de l’autre. C’est ainsi que le Kéli Yakar explique la démarche de Korah’ qui va se quereller contre Moché, il va s’unir avec les déprimés de la vie ! Effectivement Korah’ choisi les membres de la tribu de Réouven qui sont déjà amères du fait d’avoir perdu tous les statuts du droit d’aînesse. Korah’ va chercher les mécontents pour se dresser contre Moché ; plutôt que d’essayer de leur remonter le moral il les enfonce dans leur malaise et en cherche un bénéfice personnel. La simh’a c’est donner à l’autre de la considération – c’est ça qui le réjouit et le désembrouille. Bien souvent, pour ne pas dire tout le temps, une personne triste est une personne qui est dans un état de mésestime de soi, en le considérant on lui redonne un élan de vie. Par exemple pour ce qui est du couple nous ne cherchons pas une bouche qui parle mais une oreille qui écoute, qui entend. On n’a pas systématiquement envie d’entendre ce que l’autre a à nous dire, on attend de lui qui prête oreille à notre discours. C’est cela donner de la considération à celui qui est en face de nous. Rabbi Méir nous enseigne dans la Michna (Avot 6-1) que celui qui est sans cesse en occupation de Tora est appelé par de nombreux noms : ami, aimé, aimant D’IEU etc… Parmi tous ces noms on retrouve celui de « réjouissant D’IEU » ! Nous voyons de là qu’il y a une notion de réjouir D’IEU, c’est extraordinaire ! D’IEU n’est pas insensible à ce que nous faisons, nous pouvons réjouir tout le monde, même D’IEU ! Comment pouvons-nous réjouir D’IEU ? C’est lorsque l’homme fait l’action avec entièreté ‘’chlémoute’’. Agir en vertu de ce que D’IEU attend de nous. Cela réjouit D’IEU. C’est la même chose entre l’homme et son prochain. Si vraiment nous sommes dans la simh’a, celui qui se trouve en face va avoir envie d’être aussi dans cette simh’a, et même D’IEU ! Le Sforno s’interroge : pourquoi D’IEU envoie des épreuves à l’homme ? Il y a l’homme en puissance et l’homme en action, la simh’a se trouve dans l’action. Les épreuves sont là pour sortir l’homme de son potentiel vers l’action et donc de se révéler en simh’a. C’est incroyable, l’épreuve n’est pas là pour te casser et te faire déprimer, elle est là pour que tu rebondisses vers un devenir meilleur et là tu vas trouver la joie. La joie est ressentie lorsqu’on devient ce que l’on doit devenir, c’est ce qu’on appelle la satisfaction d’être soi. D’IEU cherche tous les moyens pour que l’homme se révèle et IL lui offre toutes les situations pour être comblé. La plénitude va bien au-delà de la matérialité elle se trouve à l’intérieur de l’être lui-même, elle est l’être. Réjouir l’autre. Réjouir D’IEU. D’IEU nous réjouit. Ne rien laisser de côté. Sortir de l’assèchement de l’être. Le point fort est que si je m’évertue de ne pas déprimer, j’ai également un rôle à jouer face à l’assèchement de l’autre. Laisser l’autre faner c’est de la cruauté. De la même façon que nous attendons de D’IEU qu’IL nous réjouisse nous possédons les outils de réjouir tout le monde. La joie ne se limite pas au souci de mon bonheur mais d’intégrer les autres dans mon bonheur.
Parachat Korah’
Les méfaits de la dispute
Au traité Sanhédrin 110A le Talmud rapporte l’enseignement de Rav Achi qui souhaite la lèpre (tsaraât) à celui qui attise la querelle. Notre paracha nous parle de Korah’ et ses complices qui entament une discorde envers Moché, ils contestent l’autorité !!! A tel point que le verset donne le commandement de ne pas être tel Korah’ et son assemblée. Pour Rech Lakich il faut retenir une réelle interdiction de la Tora que de se fâcher avec autrui au point de s’en diviser ! Nous ressentons la gravité de la discorde, avec ces enseignements si sévères à l’égard de qui se tient contre quiconque et à fortiori envers les Maîtres et Autorités de la Tora. Pourquoi la ‘’mah’lokete’’ est-elle si grave ? Le Zérâ Chimchon rappelle que chaque juif est marqué du Tselem Elokim – le sceau divin imprimé sur le visage de chacun ! Repousser l’autre c’est repousser D’IEU ! Mais pourquoi lui souhaiter la lèpre ? Le Zérâ Chimchon poursuit : si tu ne respectes pas l’autre et tu le repousses de facto tu manques de respect à D’IEU et tu Le repousses – mesure pour mesure tu es repoussé à ton tour, c’est le sort du lépreux ! Voilà ce qui attend à qui éveille des querelles, médit et méprise l’autre. Une fois pour toute dans notre vie cessons d’être exécrable les uns envers les autres. Stoppons l’hémorragie si ravageuse de tout ce qui conduit à la haine et au déshonneur de quiconque. Apprenons le respect à tout prix. Celui qui se dispute avec l’autre se fait du mal à lui-même plus qu’à la victime, il se détruit et est rejeté le plus loin possible. C’est la bêtise Korah’ qui croit tout gagner en s’opposant à Moché et fini au plus profond de l’abîme. Arrêtons de croire qu’on a toujours raison – au sein du couple, la communauté, dans la famille ETC. La vie n’est pas un combat qu’on mène avec les autres. La raison que tu prétextes n’est jamais suffisante pour autoriser un rejet de l’autre – sauf si tu es toi-même querelleur, le seul qu’on dégage est celui qui est source de querelle, ainsi Moché prie D’IEU « donne la mort à Korah’ et son assemblée » ! Que le Chalom, le vrai, revienne vite animée nos différents cercles de la vie sans être dérangé par les sots batailleurs.
La Spirale de la Querelle
La dispute que Korah’ entame envers Moché est dessinée par deux hommes qui haïssent Moché : Datan et Aviram. Qui sont ces deux hommes ? Lorsque Moché se défend, il dit, notamment, « je n’ai fait de mal à d’aucun d’eux » (16-15). La formulation choisie par le verset laisseentendre que parmi tous ces querelleurs il y en a un envers qui il n’a jamais fait de mal, que veut-il dire ? Le Gaon Rav Ben Tsion Moutsapi chalita (Dorech Tsion) explique : Moché s’étonne, lorsque j’étais plus jeune et que j’étais en Egypte je sortais un jour du palais royal de Parô et j’ai vu deux hommes qui se chamaillaient, j’ai dit à l’impie : pourquoi frappes-tu ton ami ? Datan était l’agresseur et Aviram l’agressé. Je comprends que Datan s’en prenne à moi puisque je l’ai traité d’impie, mais Aviram pourquoi s’en prend-il à moi, voilà que je l’ai défendu. Pourquoi fait-il preuve d’ingratitude envers ma bienveillance ?! Voilà c’est comme cela que fonctionne la bagarre, il y a une spirale qui aspire même les bons, même ceux envers qui on a fait preuve de bonté. Animé d’animosité envers celui pour qui on aurait dû témoigner de la gratitude on devient son ennemi et se joint à ses ennemis.
Querelle et Mensonge
Les querelleurs justifient leur comportement par et au nom de la vérité. Ils se battent pour la vérité. Est-ce suffisant ?! Allons plus loin, lorsque les opposants de Moché tiennent leur discours ils disent à Moché « tu t’e attribué tous les honneurs et tous les droits de nous diriger » (16-13). De toute évidence cela est un mensonge grossier. Rav E.H. Maïzel (rapporté dans le Livre extraordinaire Adraba page 479) déduit d’ici que la querelle et le mensonge sont toujours associées, ils travaillent ensemble ! Il n’y a aucune vérité dans les discours des batailleurs. Ils sont avant tout des menteurs manifestes. Le pire c’est qu’ils vivent dans le fantasme de la vérité alors que seul le mensonge les anime. Là où il y a mésentente il y a systématiquement mensonge.