« 25 Ans d’Attente » par Rav Moché Mergui-Roch Hayéchiva
La TORAH dit (PARACHAT VAYERA 18-10) : « Et l’homme (l’ange Mikhaël) dit : ‘certes, Je reviendrai à toi, à pareille époque, et voici un fils sera né à Sarah, ton épouse ». Le verset 12 ajoute : « Sarah rit en elle-même en disant : ‘après être flétrie, retrouverais-je la fraîcheur ? Et mon mari est vieux !’ »
Enfin ! La promesse divine va se réaliser. C’est merveilleux ! Cette promesse est tant attendue depuis 25 ans ! En effet, Hakadoch Baroukh Hou avait alors ordonné à Avraham Avinou de quitter son pays natal, sa maison paternelle.
Hachem avait de plus promis à Avraham, âgé de 75 ans, et Sarah, de 65 ans, qu’ils auraient une postérité dans le pays de Canaan. Presqu’un quart de siècle plus tard, Avraham, âgé de 99 ans, et Sarah, plus jeune de dix ans, ont dépassé l’âge d’avoir des enfants et la maternité semble alors rationnellement impossible. Hakadoch Barouh’ Hou prescrit alors à Avraham Avinou la Mitsvah de la MILAH, celle de se circoncire.
Avraham a le courage de se circoncire lui-même. Le troisième jour, il est malade, souffrant. Il a le très grand mérite d’avoir accompli la BRIT MILAH, l’alliance avec HACHEM ! A cette occasion, il a l’honneur d’avoir la visite de Hakadoch Baroukh Hou, qui nous donne ainsi l’exemple d’accomplir la MITSVAH de BIKOUR H’OLIM, la visite des personnes souffrantes.
Après cela, Avraham Avinou et Sarah Imanou accueillent trois anges à l’apparence d’hommes : ce sont MIKHAEL, RAPHAEL et GAVRIEL. Une nouvelle Mitsvah, appelée AH’NASSAT OREH’IM se présente et Avraham Avinou, malgré sa souffrance, et Sarah Iménou n’hésitent pas à recevoir avec faste ces trois étrangers.
La Mitsvah de recevoir des invités est une source de bénédictions.
Après avoir partagé un copieux repas, l’Ange MIKHAEL à l’apparence d’un étranger bénit le vieux couple en disant : « l’année prochaine SARAH aura un fils ! » Comment SARAH IMENOU pouvait-elle entendre cette merveilleuse bénédiction prononcée par un étranger, sans en rire en disant : vraiment est-ce possible ?
Dès lors que Hachem veut, rien n’est impossible !
La question se pose : pourquoi passer par un intermédiaire pour informer SARAH IMANOU que la promesse tant attendue va se réaliser si Hachem le veut ? Et pourquoi ne pas laisser à SARAH l’immense joie de découvrir au 3ème mois sa grossesse, et de l’annoncer à Avraham Avinou : « Tu sais la bonne nouvelle …… j’attends un enfant ! »
Avraham et Sarah étaient de très grands croyants, mais après 25 d’attente, ils se demandaient s’ils étaient toujours assez méritants selon la Parole divine, au point de mériter un enfant. Il semble que Hakadoch Baroukh Hou ne voulait pas qu’ils découvrent le miracle d’avoir un enfant : Il souhaitait qu’ils continuent à croire au miracle, à être certains que tout est possible pour le BORE OLAM HAKADOCH BAROUKH HOU, le SAINT BENIT SOIT IL.
Les quatre lettres du nom de ITSH’AK représentent ainsi : le Youd pour les dix épreuves d’Avraham Avinou ; le Tsadé pour les 90 ans de Sarah; le‘Het pour les 8 jours de la MILAH; le Quof pour les 100 ans d’Avraham Avinou.
Psaume 28
« Hashem je t’ai appelé: mon rocher, ma force ma puissance, ne sois pas muet envers moi, car si Tu es muet et ne me réponds pas, je suis comparé aux morts qui sont dans la tombe ».
De quoi s’agit-il ?
Selon le Rid, le roi David prie ici que D’IEU le sauve et le protège des impies qui le poursuivent, qui lui veulent du mal et dit ce psaume par rapport à Doeg Haadomi qui était conseillé du roi Chaoul et qui va médire à propos de David. De même il demande à D’IEU de lui porter secours contre Ah’itofel qui a conseillé Avshalom de tuer David son père. Selon le Rih H’ayoun c’est une prière que le roi David porte pour le secours du peuple d’Israël lorsqu’il va en guerre contre ses ennemis.
C’est intéressant on a déjà vu plusieurs fois que le roi David a mis dans ses psaumes un sens à la fois individuel et un sens collectif. Chaque fois qu’il prie pour lui il prie pour le peuple d’Israël. Ce qu’il demande pour lui ce n’est pas uniquement pour lui, la requête qu’il adresse à D’IEU, il l’adresse aussi pour la collectivité !
Selon le Radak, ici le roi David prie pour pouvoir être épargné des soucis, des confusions de ce monde afin de s’adonner pleinement au service de D’IEU.
Il demande à D’IEU de ne pas être muet à sa prière. On prie à D’IEU, mais est ce qu’Il nous entend ? Certainement, mais dans notre perception on a parfois l’impression qu’il ne nous entend pas. C’est ici la ‘’téfila de la téfila’’, prier pour que notre téfila soit entendue.
Il y a tout de même un point intéressant, le roi David demande à D’IEU de ne pas rester muet à sa prière, n’aurait- il pas été plus précis de demander qu’il ne reste pas ‘’sourd à sa prière’’ ? A réfléchir…, peut-être qu’il ne faut pas attendre de D’IEU qu’IL écoute nos prières mais qu’IL nous adresse Sa réponse (pourtant nous avons une bénédiction dans la prière quotidienne ‘’chéma kolénou’’ où nous dmandons ànD’IEU qu’il nous écoute ?).
Au deuxième verset il dit « écoute la voix de mes supplications lorsque je lève les mains pour prier en face du Bet Hamikdash », le Metsoudat Tsion explique : en effet, les prières montent vers D’IEU à travers le Bet Hamikdash. Dans ce verset David prie vers le Bet Hamikdash alors que celui-ci n’est pas encore construit !, il y a quelque chose à cet endroit à réfléchir. « Écoute la voix de mes supplications », nous retrouvons ce langage dans notre prière « écoute notre voix, écoute nos prières car Tu es un D’IEU qui entend », celui qui doute que D’IEU l’entend alors D’IEU « ne l’entend pas », c’est à dire qu’il n’y a pas l’effet boomerang de la téfila.
Lorsque je prie vers D’IEU, on prie pour être entendu, on doit tout faire pour être entendu.
Comment David aborde sa prière pour être protégé des mécréants ? Il dit au troisième verset « empêche-moi de me lier aux reshaim, aux menteurs, à ceux qui font du mal », il les définit comme des gens hypocrites, qui ont un discours de Chalom alors que dans leur cœur ils pensent du mal sur les autres, voir même de penser à faire du mal à l’autre.
Il n’y a pas de correspondance entre ce que je pense et ce que je dis.
Il y a une symétrie, il dit à D’IEU : quand je Te parle écoute moi, et ceux qui ne parlent pas ce qu’il y a dans leur cœur, c’est à dire ce qui me parlent mais sans écouter ce qu’ils me disent, protège-en moi. Entends ce que j’ai à dire, prends conscience, sois sensible, si on peut dire, mets-y du cœur à ce que je dis et sauve-moi de ceux qui n’ont pas de cœur dans ce qu’ils disent.
Il demande à D’IEU de juger les rechaim, car ils ne comprennent pas les œuvres de D’IEU. Il faut comprendre l’œuvre de D’IEU. Il y a ce qu’on voit et ce qu’on comprend. Pour le rasha il y a une incohérence, il voit des choses mais ne les comprend pas dans son cœur.
Il y a la téfila, le contenu, et la voix, le « kol », intériorité extériorité.
Il finit en disant « porte secours à Ton peuple et bénis Ton héritage », Israël est le capital divin. « Et continue de les guider tel un berger et élève-les », il faut être secouru et guider, élever par D’IEU. Il y a une notion de nessiout – d’élévation, dans la Tora et dans les Tehilim en particulier. D’après le Sefer Hakadmon, la ségoula de ce psaume c’est de former un avec son ennemi, qu’il y ait une cohérence, qu’il n’y ait plus de double jeu. Ça peut aussi s’entendre dans le sens de Chalom, faire la paix avec son ennemi. Car bien souvent la discorde vient des propos prononcés qu’on ne pense pas vraiment, de lui faire croire que ce qu’on dit c’est ce qu’on pense…. La division des cœurs.
David veut être entier avec ses ennemis il ne veut pas d’incohérence, il veut trouver une harmonie avec l’autre. Et ce n’est pas évident !
Au verset 8, ressemblant à ce qu’on dit à la fin du Birkat Hamazon, on parle du Oz. D’IEU est la force du peuple et est la puissance de la délivrance d’Israël et de la délivrance de celui qui est oint (David Hameleh’, le Machiah’). David sait que toute sa puissance de royauté lui vient de D’IEU et plus l’homme est conscient de cela plus sa malh’out s’exprime pleinement et dans toute sa splendeur.
« La grandeur de l’être »
Le Gaon et Tsadik Rav Haïm Walkin zeh’er tsadik livrah’a
nous quittait le dimanche 12 h’echvan 5783/6 novembre 2022
J’ai eu la chance de le connaître personnellement et d’avoir un contact particulier avec lui – Je lui rend ici un hommage en rapportant ses enseignements.
Au chapitre 19 de la Paracha Vayéra la Tora raconte que Loth a dû quitter la cité perverse de Sédom puisque celle-ci aller subir la destruction et la désolation. « Loth se rendit dans une grotte avec ses deux filles. L’aînée dit à la cadette : notre père se fait vieux et il n’y a plus d’homme sur terre, donnons du vin à notre père et portons l’enfant de l’union que nous aurons avec lui. De l’aînée il eut Moav, de la cadette il eut Ben Ami. Au verset 33 le verset dit « l’aînée eue une union avec son père, et il n’a pas su qu’elle s’était couchée à ses cotées et qu’elle se releva ».
Rachi commente : en vérité il a pris connaissance que sa fille s’était relevée mais il ne s’est pas protégé pour la deuxième nuit d’aller avec sa deuxième fille. Rav H’aïm ztsal s’esclame : comment Rachi peut-il dire qu’il savait que sa fille s’était levée alors que le verset dit clairement qu’il ne savait pas ?
Dans son Livre Daât H’aïm Moussar page 9 le Rav ztsal développe une idée fondamentale : il est évident que Loth ne pouvait pas savoir ce que ses filles faisaient puisqu’il était ivre, toutefois ce qui lui est reproché c’est qu’il n’a pas été à l’écoute de ce qui se trame à l’intérieur de lui-même, s’il était attentif au pouls de son cœur spirituel il aurait ressenti dans la finesse de son être que quelque
chose ne se passe pas convenablement. Dans les faits il ne savait rien, mais dans la délicatesse de son être il aurait pu savoir.
Il nous faut savoir que la science a inventé des appareils qui réagissent à la délicatesse de la terre comme le sismographe qui réagit aux tremblements de terre, il en est tout autant dans l’univers de la spiritualité il y a des sensations très délicates qu’il nous faut apprendre à déceler. L’étude du moussar nous permet de développer ses sensations spirituelles enfouies dans l’homme. Lorsqu’on les découvre on développe une vie plus profonde, on découvre un monde rempli de valeurs authentiques qui purifient l’être.
Mais un point positif on peut retenir de Loth nous dit encore le Rav ztsal dans son Livre paru récemment Daat H’aïm Oumoussar Béréchit page 57. Au chapitre 19 verset 20 la Tora nous dit que dans le chaos de la cité de Sédom Loth prie pour que la ville de Mitsar ne soit pas détruite et sa prière fut acceptée (voir Rachi). Il y a ici un point immense à constater, Avraham a prié pour que D’IEU ne détruise pas la cité de Sédom mais sa requête n’a pas été retenue, et voilà que Loth prie pour une ville et sa prière est répondue, toute la ville et ses habitants sont épargnés !
De toute évidence Loth est d’un niveau inférieur que Avraham,
mais sa prière, ici, le touche profondément, dans son for intérieur. La prière est appelée ‘’avoda chebalev’’ – le travail du cœur, c’est-à-dire tout le ressenti de son être en est pleinement concerné. Là Loth prie pour sauver ‘’sa’’ ville, il y a mis tout son être.
Le constat de ces deux points développés par le Rav ztsal sont très puissants, d’un côté il est reproché à Loth de ne pas être attentif à son être profond, d’un autre côté par le biais de la prière il sait parler du cœur et des profondeurs sensibles qui l’animent.
Le Rav ztsal nous a invité et aidé et appris à entendre les ondes que notre personne émet du plus profond de nos abysses. Il incita chaque élève à découvrir la délicatesse de son être. Parce que lui-même dégagé sa sensibilité la plus fine. Toute la grandeur du Rav ztsal se trouvait dans cette délicatesse de sa personne, c’est là que se trouve la grandeur de l’être.
Le monde plonge dans une telle grossièreté d’esprit de langage de consommation etc. etc. que certains peineront de savourer le concept même développé ici et par conséquent la finesse qui les anime. Il y a un travail à faire en profondeur pour vivre dans le meilleur de soi.
Que son âme soit proche du Créateur et que son mérite continue de nous éclairer.
L’Un Peu – par Rav Imanouël Mergui
Lorsque Avraham accueille les invités il leur servira un repas royal tel que la Tora le décrit au début de la Paracha (Vayéra). Au chapitre 18 verset 4 la formule d’Avraham est quelque peu étonnante, il leur propose ‘’méat mayim’’ – un peu d’eau, pourquoi parler ainsi ? D’autant plus que ce qui leur donnera dépassera l’un peu.
Rachi précise : c’est à son envoyé qu’Avraham dit d’apporter un peu d’eau. Rav Chah’ zal disait (sa hiloula est le 16 h’echvan – jeudi 10 novembre) : ce que tu fais par toi-même fais le en grand mais ce que tu demandes aux autres de faire ne leur impose pas trop de travail !
Le Or Hah’aîm propose une réflexion fabuleuse : lorsque tu rends un service quelconque à autrui, en l’occurrence aux invités, dis leur que ce que tu fais est ‘’un peu’’ afin de ne pas les gêner et les mettre mal à l’aise. Effectivement, dirons-nous, lorsqu’on dépend de la bonté et générosité de la part d’autrui on se sent quelque peu inférieur en tout cas gêné de ce qu’il fait pour nous. Le donneur doit mettre le
receveur et le nécessiteux à l’aise afin qu’il profite aisément de ce qu’on lui donne ! C’est cela le vrai h’essed mettre l’autre dans un état de bien être pour qu’il bénéficie pleinement de ce qu’on lui offre, car mal à l’aise on ne reçoit pas correctement ce que l’autre a ç nous offrir ! Ressentir la sensibilité de l’autre afin de lui offrir le meilleur ! Notre Maître Rav Chlomo Wolbe ztsal dans son Alé Chour volume 2 nous explique que le h’essed c’est davantage d’être attentif au besoin de l’autre, ce besoin ne se limite pas à la chose qui lui manque mais c’est de la lui présenter de la meilleure façon, en tout cas en tenant compte de sa gêne !
Le Kéli Yakar voit dans ce un peu de Avraham l’honnêteté de Avraham. Effectivement dit-il, le souci d’Avraham est certes de présenter de l’eau et de la nourriture à ses invités, mais il dépasse ce souci purement matériel en l’élevant au niveau existentiel. Pour Avraham il était primordial de divulguer la Foi en Un D’IEU Unique le plus largement possible autour de lui. Il donnait ‘’un peu’’ de Foi à ceux
qui s’arrêtaient chez lui, parce que le travail dépend du sujet et non du maître. Inspiré de cette idée et la poussant un peu, lorsqu’on initie l’autre au retour delafoi,delaToraetdela Téchouva on doit le faire sous forme de ‘’l’un peu’’. Si on s’acharne trop sur l’autre d’un coup le message ne passera pas, il faut le faire en douceur. Certes l’objectif est de le ramener pleinement dans le droit chemin mais dans les faits il est impossible de le faire bondir soudainement.
Dans ces deux commentaires exceptionnels, l’un peu n’est pas l’objectif à atteindre, celui-ci doit aller bien au-delà de l’un peu, il est le pont de passage du rien au tout. Le moyen d’atteindre l’objectif absolu est de le faire de façon dosée, équilibrée et adaptée. Et, si ce message est vrai envers les autres, il l’est tout autant vis-à-vis de soi-même ; on corrige nos erreurs, on bondit vers l’absolu par petits rebonds bien dosés.
On ne stagne pas dans l’un peu, on avance vers l’absolu mais en le faisant par dosage ajusté !