Au traité Chabat 119 le Talmud raconte : Rabi Yichmaël demanda ‘’par quel mérite l’homme devient riche ?’’. Question intéressante, et constat intéressant. Les Sages analysent tout, même la richesse de certains. Et, ils voient un mérite particulier dans la richesse ! Rabi Yossi lui répondit : ‘’leur mérite est qu’ils honorent le Chabat !’’. On aurait certainement répondu en expliquant que la richesse est le fruit du travail, ou de la chance, en tout cas on n’aurait certainement pas relié la richesse à l’honneur du Chabat. Le Talmud raconte : Rabi H’iya bar Aba a passé un Chabat chez un homme dans la ville de Loudkya. La richesse de cet homme subjugua le Maître. On lui apporta une table en or qui nécessitait seize hommes pour la transporter, elle était ornée de seize chaînes d’argent, et était composée de
plats et de mets succulents. Rabi H’iya interrogea l’homme : ‘’par quel mérite es- tu devenu si riche ?’’. Il expliqua : ‘’ auparavant j’étais boucher et chaque morceau de viande de qualité je le gardais et disais – celui-ci est pour Chabat !’’. Rabi H’iya lui dit : ‘’tu es heureux d’avoir eu ce mérite, Bénit soit D’IEU qui t’a gratifié’’. C’est d’autant plus surprenant que le Maître est impressionné de la richesse de cet homme et certainement encore plus de la raison qui le rendit si riche. Il faut comprendre en quoi Chabat rend riche ? Pourquoi tous ceux qui font Chabat ne sont pas riches ?
La Guémara raconte encore : l’empereur questionna Rabi Yéochoua ben H’ananya ‘’pourquoi le plat du Chabat a un parfum particulier ? Le Maître répondit : nous avons une épice qui se nomme
Chabat que nous additionnons à nos plats. L’empereur demanda au Maître de lui donner de cet épice. Le Maître répondit : cette épice n’a de saveur uniquement pour celui qui pratique le Chabat ! Le Maharcha explique que cet épice n’est pas quelque chose de matérielle ce n’est pas une plante, mais c’est le fait de faire Chabat qui donne une saveur particulière à nos mets. Rav Eliezer Tourk (Otsrotéhem Amalé Chémot page 518) note l’idée suivante : Rabi Yéochoua vient nous dire là que l’intensité avec laquelle on se prépare pour Chabat permet à l’homme de mieux savourer le goût et la majesté du Chabat lui-même. On peut étendre cette idée : si la richesse du Chabat a son sens dans le domaine matériel elle reflète ici également d’une richesse plus profonde et plus majestueuse. Notons bien que la première
histoire voit dans la richesse le mérite offert à celui qui honore le Chabat. Nous sommes au- delà de la pratique du Chabat, il nous faut honorer le Chabat. L’honneur témoigne d’une sensibilité profonde du Chabat qui dépasse l’aspect pratique et technique. Certes Chabat n’a pas de sens s’il n’est pas pratiqué dans les actes, mais Chabat va au-delà des actes il nécessite un travail sur la notion de l’intériorité – la ‘’pnimioute’’. Celui qui ne vit pas ‘’que’’ dans l’extériorité des choses il peut saisir l’enjeu de la richesse, il ne limite pas la richesse à un domaine purement matériel. Il sait être riche, très riche même, sans être englouti par son argent, puisqu’il vit les choses avec leur saveur profonde. Tout le monde rêve d’être riche (sauf les ‘’français’’ ils voient d’un mauvais œil les riches…). La Tora ne déconsidère pas les riches, d’ailleurs nombre de Maîtres et de Grands Personnages de la Tora connaissaient une richesse immense (déjà Avraham, Yitsh’ak et Yaâkov. Le Talmud raconte que par trois fois Rabi Akiva connaîtra la richesse, ETC.). Le respect du Chabat va donc bien plus loin que sa sieste et son couscous. D’ailleurs sieste et dafina ont bien évidemment toute leur importance mais s’ils sont une finalité alors ils abîment le Chabat. Honorer Chabat c’est quoi ? C’est prendre conscience que Chabat a un sens qui ne se voit pas, qui est caché, qu’il faut puiser en son for intérieur et dans la Tora.
La première histoire nous livre encore un point important : garder ce qu’on a de meilleur pour le Chabat. La meilleure viande dans l’histoire de ce boucher. Le Chabat se situe là où ne fait pas les choses comme dans la semaine – il y a d’ailleurs une notion très délicate dans les lois de Chabat que le Talmud nomme ‘’ouvdin déh’ol’’ (on traduit littéralement ‘’comportement profane’’…). Mais s’il faut marquer une différence entre Chabat et les autres jours de la semaine, en vérité ce n’est pas qu’une différence quantitative mais qualitative – on doit garder le meilleur pour Chabat. C’est dans ce meilleur qu’on réserve au Chabat qu’on honore et fait réellement Chabat. Si on rattache le meilleur du matériel pour Chabat on témoigne que nos activités matérielles dépassent leur aspect physique et visuel. On cherche à donner un sens intime à toute chose dans la vie. La richesse intérieure de la vie est tellement magnifique que celui qui sait l’apprécier bénéficiera d’une très grande richesse matérielle. Le monde d’aujourd’hui se concentre trop sur l’aspect extérieur des choses qu’il a perdu le goût et la saveur des grandes choses (comme des petites). Les médias encouragent cette vision vitrine du monde. La médisance n’est rien d’autre qu’une analyse superficielle de la vie.
A travers Chabat on trouve un calme intérieur si tant est qu’on va à l’aventure de l’univers sacré du profond…